La BCE a baissé son taux directeur la semaine dernière d’un quart de point. Il est passé de 0,5% à 0,25%, sans que cela n’impacte franchement l’économie européenne. Les bourses ont assez peu réagi et l’euro commence déjà à remonter face au dollar. Pourtant, les économistes semblent d’accord : le signal était le bon. Mais cela suffira-t-il pour que l’eurozone renoue avec la croissance ? Interview croisée de deux spécialistes de la question.
"La BCE ne pouvait pas faire beaucoup plus". La Banque centrale européenne a en effet un rôle bien défini par les traités et son champ d’action est limité. "La BCE a été contrariée de voir que la zone euro risquait d’être touchée par la déflation", explique Philippe Waechter, directeur de recherches économiques chez Natixis Asset Management. Et les différences entre les économies de la zone rendent ses actions compliquées : "elle aurait pu mettre un taux négatif, mais ça aurait pénalisé l’Italie et l’Espagne, qui ont des problèmes structurels".
La solution pourrait au final venir de l’Allemagne, plus que de la BCE : "avec un recentrage de l’économie sur l’Europe, la croissance pourrait repartir", assure cet économiste. Même si la BCE doit "être le prêteur en dernier ressort", en baissant son taux directeur, elle a envoyé un signal aux marchés pour leur assurer que les taux vont rester bas. "Et cela peut favoriser la convergence des taux (sur les emprunts obligataires, ndlr), pour gagner en homogénéité", conclut Philippe Waechter.
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"Ce n’est pas la panacée". "La BCE a montré qu’elle était vigilante et qu’elle voulait lutter contre la déflation", analyse de son côté Jérôme Creel, directeur adjoint au département des études à l’OFCE. En baissant les taux pour gonfler la masse monétaire, elle va contre sa nature : elle a pour but de lutter contre l’inflation, pas d’en créer. La preuve en janvier elle baissait son bilan, ce qui diminuer la quantité de monnaie en circulation et donc l’inflation.
Or, la BCE a les moyens de faire plus, assure l’économiste, par exemple en mettant un taux négatif "comme en Suède", ajoute Jérôme Creel. Pour sortir de la crise, Jérôme Creel estime qu’il faut rentrer dans des politiques budgétaires. Et il y a deux solutions : "la relance, malgré la dette publique, qui serait possible notamment en Allemagne, mais ça serait mal vu par la Commission". Et surtout "réduire l’effort de contraction budgétaire. Moins de rigueur pénalisera moins la croissance", assure l’économiste. En conclusion : "la baisse des taux est une bonne idée, mais ce n’est pas la panacée", résume Jérôme Creel.