Le coup de pouce au Smic sera finalement un coup d'ongle, de 0,6 point. Le salaire minimum progresse au total de 2%, dont 1,4% au titre de l'inflation. Les 2,5 millions de smicards -un salarié sur dix- recevront chacun 21,5 euros de plus en net par mois pour un travail à plein temps, et ce dès le mois de juillet. Le salaire horaire minimum est en effet porté à 9,40 euros, soit 1.425,67 euros en brut pour 35 heures. Un décret devra être présenté mercredi en Conseil des ministres.
Promesse de campagne de François Hollande, la hausse a été annoncée mardi par Michel Sapin, à l'issue d'une réunion à Bercy avec les partenaires sociaux. "Nous rompons avec la politique du précédent gouvernement, qui par dogmatisme refusait tout coup de pouce. Une hausse de 2%, c'est substantiel pour les intéressés, sans déstabiliser le tissu économique de notre pays", a défendu le ministre du Travail.
Une simple avance par rapport à janvier
In fine, la part de la revalorisation destinée à compenser l'inflation (1,4 point) constituera une simple avance sur la prochaine augmentation légale du 1er janvier. Il n'y aura en effet pas de hausse à l'aube de la nouvelle année, comme cela se fait traditionnellement. Chaque premier janvier, le Smic était en effet mécaniquement revalorisé, notamment pour suivre l'évolution des prix.
"C'est une anticipation sur la revalorisation automatique du 1er janvier 2013. Mais le seul fait de proposer une revalorisation au 1er juillet est en soi positive, c'est six mois de gagné", s'est justifié Michel Sapin.
Ce coup de pouce est deux fois plus élevé que le dernier accordé, de 0,3 point, en juillet 2006. Il faut remonter à 1997 pour retrouver un geste supérieur (2,26 points). Il reste cependant en deçà des attentes des syndicats, FO et CGT en tête, qui réclamaient une hausse plus substantielle du pouvoir d'achat.
Le gouvernement avait déjà préparé les esprits à une ampleur limitée, répétant ces derniers jours que la hausse serait "raisonnable", afin de "concilier deux logiques": préserver la compétitivité des entreprises, surtout des PME, et augmenter le pouvoir d'achat des bas revenus.
Parisot convaincue
Favorable à une hausse significative, le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, avait prévenu que le gouvernement commettrait "un premier faux pas" en ne relevant le Smic que de 2% quand, lui, réclamait 5%.
De son côté, le patronat -en particulier les PME et les artisans qui emploient les gros contingents de salariés au Smic- avaient multiplié ces dernières semaines les mises en garde. Les PME, en ces temps de conjoncture économique morose, craignaient notamment de ne pas pouvoir assumer cette hausse sans que cela ne se ressente sur l'emploi. "Toute augmentation au-delà des critères objectifs ferait peser un risque majeur pour l'emploi", avait prévenu Laurence Parisot, présidente du Medef. Mais cette dernière a finalement plutôt bien accepté la mesure. "Une augmentation de 2% aura peu d'incidence sur l'emploi et la création d'emplois", a-t-elle reconnu mardi. Mieux, elle a même plutôt défendu la hausse. "Cette décision permet aux salariés qui reçoivent le Smic d'avoir un peu plus que la simple augmentation liée aux critères économiques de l'inflation", a-t-elle réagi.
"Nous avons toujours dit qu'il fallait rester dans les critères économiques objectifs, qui depuis des décennies permettent d'augmenter le Smic en fonction de l'inflation. Le gouvernement a été au delà, mais dans des proportions qui témoignent qu'il a intégré la réalité de l'économie d'aujourd'hui et l'objectif premier qui est l'emploi, l'emploi et l'emploi", s'est elle justifiée, en précisant tout de même: "tout dépend aussi de l'évolution de l'économie."
Bernard Accoyer, président sortant de l'Assemblée nationale, a lui assuré mardi qu'avec ce coup de pouce, le gouvernement "crée du chômage". Selon l'un des experts du groupe sur le Smic, une hausse de 1% entraîne la destruction de 1,5% des emplois au salaire minimum, soit environ 25.000 emplois.
Le gouvernement réfléchit maintenant à modifier les règles de revalorisation du salaire minimum, pour l'indexer en partie sur la croissance.