Le marché du bio arrive-t-il à saturation ? Cela fait quatre ans que Françoise Roch a converti une partie de son exploitation de pommes en bio. Elle qui possède une vingtaine d'hectares de pommiers a choisi de convertir 10% en agriculture, pour apprendre de nouvelles techniques et pour l'attrait financier que cela représentait. Une manière de réfléchir à l'avenir de son exploitation biologique située à Moissac dans le Tarn-et-Garonne. "En conventionnel, on a de moins en moins de résultats économiques intéressants en pommes", explique Françoise. "À l'époque, on était à 80 centimes la pomme bio et même jusqu'à 90 centimes selon les variétés, pour une conventionnelle autour de 40 centimes", détaille-t-elle au micro d'Europe 1.
Une saturation du marché
"Ça donnait envie d'y aller. Même avec les difficultés liées à la conversion, je me disais qu'on devrait pouvoir s'en sortir et je n'avais pas l'impression de prendre de risques. Le problème, c'est qu'on est nombreux à avoir eu le même reflexe, au même moment", poursuit Françoise Roch. Poussés par ces attraits, de nombreux arboriculteurs ont fait le choix de se lancer, eux aussi, dans le bio. Ce qui a saturé le marché. "On a de plus en plus de conversions sur les vergers en pommes, et depuis deux ans on a beaucoup de mal à écouler", reconnait-elle.
"Il y a très peu de demande par rapport à l'offre. Le consommateur voudrait du bio, mais dans son acte d'achat il ne le fait pas. Et si c'est ponctuel ça ne permet pas de mettre en place une filière sécurisée pour le producteur. Donc ça s'effondre." Elle constate ainsi que le prix des pommes bio se rapproche désormais de celui des pommes conventionnelles autour des 40 centimes ce qui pourrait mettre en danger de nombreuses exploitations. "Si on achète le bio au prix du conventionnel, ça veut dire que de nombreux producteurs vont arrêter, c'est obligé", alarme-t-elle.
"Je me laisse encore deux-trois campagnes"
Elle constate également que les exigences des distributeurs ne sont plus les mêmes. "Jusqu'ici, la quasi-totalité des fruits était vendue parce que le consommateur sait que le produit bio n'est pas parfait d'un point de vue esthétique", précise Françoise Roch. "Maintenant, comme l'offre est bien plus importante que la demande, les grandes et moyennes surfaces commencent à demander l'esthétique du conventionnel. Sauf qu'en bio on a des produits de traitements naturels : du cuivre, du souffre et autres que l'on met sur nos arbres et qui abîment l'épiderme. Ça fait moins joli. Et on commence à nous refuser de plus en plus de fruits."
Des pommes qui finissent dans les circuits industriels de transformation beaucoup moins rentables pour les arboriculteurs. Elle ne regrette pas sa conversion, mais n'est pas certaine de pouvoir continuer longtemps. "Je me laisse encore deux-trois campagnes", admet-elle. "Si ce n'est vraiment pas bon, je vais me poser des questions".
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Sauf que ce retour en arrière risque d'être difficile puisque les producteurs ont planté des variétés spécifiques, créées par l'Institut national de la recherche agronomique comme les Dalinettes et les Juliettes qui sont plus résistantes aux maladies. "Quand on revient au conventionnel, ce sont des variétés qui ne sont pas connues et il n'y a pas réellement de marché", explique-t-elle. "On serait obligé de faire un surgreffage, c'est-à-dire couper la variété bio, greffer une autre variété conventionnelle. Et là on perdrait deux ans le temps que l'arbre retrouve son volume et sa charge."