Le Conseil d'Etat est saisi par 15 associations qui réclament la suppression d'un algorithme, utilisé par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), qui a pour objectif de mieux détecter les fraudes et les versements indus parmi ses allocataires. Le recours, déposé mardi soir auprès de l'instance, "porte tant sur l'étendue de la surveillance à l'œuvre que sur la discrimination opérée par cet algorithme envers des allocataires déjà fragilisés dans leurs parcours de vie", écrivent mercredi dans un communiqué Amnesty International, la Quadrature du Net, la Fondation Abbé Pierre et les autres associations requérantes.
"Cet algorithme attribue à chaque allocataire un score de suspicion dont la valeur est utilisée pour sélectionner celles et ceux faisant l'objet d'un contrôle. Plus il est élevé, plus la probabilité d'être contrôlé est grande", soulignent-elles, précisant que cet outil "analyse les données personnelles des plus de 32 millions de personnes vivant dans un foyer recevant une prestation CAF".
Un "sur-contrôle" des personnes en situation de précarité
Après avoir eu accès au "code source" d'une version de cet algorithme, utilisée entre 2014 et 2018, les associations affirment que "parmi les facteurs venant augmenter un score de suspicion, on trouve notamment le fait d'avoir de faibles revenus, d'être au chômage, de bénéficier du revenu de solidarité active (RSA) ou de l'allocation adulte handicapé (AAH)". "En retour, les personnes en difficulté se retrouvent sur-contrôlées par rapport au reste de la population", dénoncent-elles.
Les associations ont demandé en juillet à la CNAF de cesser l'utilisation de cet algorithme. "Dans la mesure où nous n'avons pas, au bout de deux mois, reçu de réponses de la part de la CNAF, cela a fait naître une décision implicite de refus", explique à l'AFP Katia Roux, chargée de plaidoyer Technologie et Droits humains à Amnesty.
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Limiter les erreurs
Utilisé depuis 2011, l'outil statistique vise à identifier parmi les 13,5 millions d'allocataires les plus susceptibles de commettre des erreurs dans leur déclaration, ciblant "les indus importants et répétés", a indiqué mercredi à l'AFP le directeur général de la CNAF Nicolas Grivel.
Les bénéficiaires de certains minima sociaux, comme le RSA ou la prime d'activité, dont les revenus varient souvent, doivent remplir des déclarations de revenus trimestrielles avec des formulaires complexes et sont plus à risque de commettre des erreurs.
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Déploiement du projet de Solidarité
Nicolas Grivel estime que l'algorithme n'est pas en cause: "Nous versons plus d'argent aux familles qui en ont le plus besoin et auprès desquelles le risque d'erreur est amplifié par des situations de vie" professionnelle complexe. "Si une juridiction devait prendre position pour (...) faire évoluer le dispositif", la CNAF se mettrait "en conformité", a-t-il assuré.
L'expérimentation du projet de Solidarité à la source actuellement dans cinq départements et dont la généralisation à l'ensemble du territoire est prévue en mars 2025 devrait "changer la donne", en diminuant "le risque d'erreur" et "l'instabilité des droits", a-t-il également indiqué. Le projet prévoit l'attribution directe des aides sociales en fonction des revenus enregistrés par l'administration.