L'ONG CCFD-Terre Solidaire et l’institut Veblen ont annoncé mercredi avoir saisi le Conseil d'État pour faire cesser l'exportation, depuis la France, de pesticides interdits dans l'Union européenne. La loi Egalim de 2018 interdit en effet "la production, le stockage et la circulation de produits phytopharmaceutiques” (herbicides, fongicides, insecticides, acaricides…) "contenant des substances actives non approuvées" dans l'UE. Mais l'exportation des substances actives elles-mêmes n'est pas interdite, comme l'avaient déjà souligné l'ONG suisse Public Eye et l'émission "Vert de rage", diffusée sur France 5.
A LIRE AUSSI - La pollution des eaux est «très sous-estimée» par surveillance, alerte Générations Futures
Les deux organisations dénoncent une "incohérence inacceptable"
"La France continue de produire et d'exporter des substances actives dangereuses, interdites d'usage sur son propre territoire en raison de leur toxicité pour la santé et l'environnement", soulignent mercredi les deux organismes dans un communiqué commun. Pour élargir l'interdiction aux substances actives, CCFD-Terre Solidaire et l'institut Veblen, un think tank qui réfléchit à la transition écologique, veulent faire annuler et réécrire une circulaire de 2019 qui "précise les conditions d'application" de la loi. Ils ont saisi le Conseil d'État le 7 août et déposé le 4 novembre le mémoire final, indiquent-ils.
La circulaire confirme que "la mesure d'interdiction porte uniquement" sur les produits phytopharmaceutiques et ne concerne pas "l'activité de synthèse de substances actives". Elle "va à rebours de l'objectif de la loi, à savoir renforcer la protection de la santé publique et de l'environnement, et la rend inefficace", jugent les deux organisations, dénonçant une "incohérence inacceptable". En 2023, selon les chiffres de Public Eye, la France a "approuvé l'exportation de 7.294 tonnes de pesticides interdits" par Bruxelles, dont "4.500 tonnes de pesticides interdits sous forme de substance active".
"Dans l'attente de la décision du Conseil d'État", CCFD-Terre Solidaire et l'institut Veblen appellent le gouvernement à "suspendre les exportations de substances actives interdites". Ils insistent d'ailleurs sur "l'effet boomerang" : l'importation en France de fruits, légumes et fleurs traités par des pesticides fabriqués grâce aux substances exportées par des entreprises françaises. Attaquée par les fédérations des producteurs de pesticides et des semenciers, l'interdiction d'exporter les produits finaux avait été validée en 2020 par le Conseil constitutionnel au nom de la protection de l'environnement et de la santé, érigés en "objectifs de valeur constitutionnelle".