Clap de fin pour les négociations entre partenaires sociaux sur la réforme de l’assurance chômage. Après maintes réunions de travail depuis le 11 janvier, syndicats et patronat vont devoir rendre jeudi au gouvernement leurs conclusions sur la taxation des contrats courts et l’ouverture de l’indemnisation aux indépendants et aux démissionnaires. Problème : les partenaires sociaux ne parviennent pas à s’entendre. "Beaucoup partent du principe qu'il n'y aura pas d'accord", a lâché la semaine dernière le négociateur de la CFTC.
Plus d’un milliard d’euros… Parmi les sujets épineux, l’indemnisation des démissionnaires, promesse de campagne d’Emmanuel Macron, n’a que peu avancé depuis un mois. En cause : le financement flou de cette mesure phare de la réforme. Durant la campagne, Emmanuel Macron avait chiffré le coût de l’extension de l’assurance chômage aux démissionnaires à 1,4 milliard d’euros par an. Sauf que le président a peut-être été trop optimiste : l’Institut Montaigne estime que la mesure coûterait le double (2,7 milliards).
Confronté à la réalité budgétaire, le président a instauré deux conditions après son arrivée à l’Élysée : l’ouverture de l’indemnisation aux démissionnaires devra être assortie d’un projet professionnel concret et ne sera utilisable qu’une fois tous les cinq, six ou sept ans. Depuis, il a pris soin de laisser la parole aux partenaires sociaux et de ne pas intervenir dans la négociation. Les discussions ont un peu progressé sur ce sujet et pour le dernier round de négociation, l'Unédic a transmis aux partenaires sociaux des chiffrages sur les bénéficiaires potentiels et le coût de la mesure.
… ou quelques centaines de millions ? D'après ces documents, relayés mardi par l’AFP et plusieurs médias dont Les Échos et Le Monde, entre 21.000 et 38.000 personnes seraient concernées in fine par l’ouverture aux démissionnaires de l’assurance chômage. Selon les critères retenus, la facture oscillerait entre 140 et 680 millions d'euros par an, au rythme de croisière. C’est logiquement moins que le chiffrage envisagé par Emmanuel Macron puisque tous les cas de figure prennent en compte la nécessité d’avoir un projet professionnel. La négociation en cours doit déterminer le cadre de ce projet.
Ce nouveau chiffrage, fruit d’une enquête en ligne menée auprès de 5.000 salariés en CDI du privé et du public, écarte donc les effets d’aubaine que craignent gouvernement et partenaires sociaux. En effet, en offrant un matelas financier à des travailleurs qui n’en bénéficiaient pas avant, la réforme telle que prévue initialement risquait d’en inciter une partie à quitter leur emploi, décision qu’ils n’auraient pas prise autrement. L’ouverture aux démissionnaires sans distinction coûterait d’autant plus cher qu’elle pourrait surtout tenter les plus aisés, assurés de retrouver un emploi grâce à leurs qualifications.
Montant variable selon les critères. Ce "scénario catastrophe" budgétaire est désormais écarté et les partenaires sociaux vont pouvoir négocier sur la base des chiffres de l’Unédic, même si la fourchette de 140 à 680 millions est large. L’organisme qui indemnise les chômeurs a effectué plusieurs chiffrages avec différents critères comme l’ancienneté dans l’entreprise, le nombre d’années en emploi et le niveau de diplôme. Ce qui donne lieu à des montants allant du simple au triple (voir encadré). Si au final, le gouvernement décidait de n’imposer aucun de ces critères, la facture s’élèverait entre 380 et 680 millions par an.
Quelques hypothèses* de l’Unédic :
Ouvrir l’assurance chômage aux démissionnaires ayant le bac ou moins correspondrait selon l’Unédic à un coût situé entre 190 et 330 millions d’euros. Sous le bac, la fourchette descend entre 140 et 250 millions. Concernant l’ancienneté dans l’emploi, indemniser les personnes ayant travaillé sans coupure pendant trois ans coûterait entre 350 et 640 millions, contre entre 290 et 530 pour une durée d’au moins sept ans. Enfin, l’ancienneté dans l’entreprise amènerait une dépense de 310 à 550 millions pour une appartenance de moins de trois ans, contre 220 à 390 millions si le gouvernement opte pour une ancienneté de sept ans.
* Les montants attribués aux différents critères ne s’additionnent pas, ils se recoupent.
Toutefois, l’Unédic incite à prendre ses calculs avec des pincettes, les comportements individuels étant difficiles à prévoir. L’organisme estime préférable de retenir la "borne basse", à cause du "risque que représente le passage à la démission", rapporte Le Monde. Même si les chiffres fournis sont encourageants par leur montant finalement moins élevé que prévu, ils ne sont pas à prendre au pied de la lettre. D’autant que la "borne basse" pourrait ne pas convenir aux syndicats et au patronat qui refusent des "droits dégradés" pour les démissionnaires, par rapport aux autres bénéficiaires de l’assurance chômage.