Une grève qui dure, qui dure, et des commerces déjà à bout de souffle. Dans la capitale, certains quartiers tournent désormais au ralenti en raison de la mobilisation contre la réforme des retraites. Les commerçants subissent de plein fouet les conséquences de la grève entamée le 5 décembre. L’organisation de certains magasins, supermarchés et restaurants est désormais complètement inféodée au fonctionnement très réduit, voire nul, des transports en communs.
"On n'y arrive pas du tout"
"Là, on va fermer la boutique. Il est 19 heures, et il faut que je me dépêche un max pour choper mon dernier train. C'est un peu la course". Avec la grève, Cynthia baisse le rideau de son magasin dans le quartier de Châtelet à Paris une heure plus tôt, quitte à mettre quelques clients dehors. "C'est problématique parce que c'est le moment où l'on réalise au moins 20% de notre chiffre d'affaires, avec les fêtes qui approchent. Là, on ne fait rien", déplore-t-elle.
Dans le supermarché d'en face, il manque un tiers des employés, regrette Moktar, le responsable. Et dans les rayons, la marchandise s'entasse. "Il n’y a plus assez de personnel. J'aurais dû finir à 13 heures, je reste jusqu'à 21 heures. Le ménage, les livraisons... Je fais tout. On n'y arrive pas du tout." À quelques rues de là, le restaurant d’Ariane est vide, comme la chambre froide, faute de livraison. "Normalement, ça monte jusqu'au plafond et là il n’y que deux rangées de nourriture", explique-t-elle. "Tout a été reporté, et certains livreurs ont demandé à nous livrer la nuit !" Ces livraisons risquent toutefois de lui rester sur les bras, car avec la grève, l’établissement a perdu la moitié de sa clientèle.
En région, l'angoisse des petits artisans
Et le ralentissement de l’activité économique ne concerne pas que Paris et l’Île-de-France, où les habitants sont particulièrement dépendants des transports en commun. Après avoir connu une année noire à cause des "gilets jaunes", les petits artisans en région comptent parmi les commerçants les plus impactés par cette fuite des chalands. Avec des centres-villes bloqués ou des axes commerciaux situés sur le parcours des manifestations, de nombreuses personnes se tournent désormais vers internet pour les achats de Noël, et les boutiques physiques voient leurs affaires péricliter.
" Quand il passe 100 personnes d’habitude, il n’en passe plus que dix maintenant "
Ainsi, mardi, à Grenoble, pendant que la manifestation battait son plein en milieu d’après-midi, le trafic des trams a été interrompu, et le centre-ville s’est retrouvé complètement désert, tout comme le magasin de chaussures de Christian. "Une journée comme ça, c’est 70% de pertes", s’agace-t-il. "Quand il passe 100 personnes d’habitude, il n’en passe plus que dix maintenant." Un peu plus loin, Marie-Noëlle, une fleuriste, dresse un constat tout aussi alarmiste : "Je n’ai jamais vu ça, et ça fait 32 ans que je suis là. Il n’y pas une seule voiture qui passe. Que faut-il faire ?", s’inquiète-t-elle.
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"Les grévistes mettent la pression sur le gouvernement, mais ils sont aussi en train de casser et de mettre à genoux l’économie de notre pays. Ils se tirent eux-même une balle dans le pied", dénonce auprès d’Europe 1 Bernard Stalter, le président de la Chambre des métiers et de l'artisanat. "J’entendais un gréviste expliquer qu’il peut perdre jusqu’à 600 euros en faisant grève. Mais parfois, c’est le salaire mensuel d’un artisan ! Il est temps que cela s’arrête". À présent, la pire crainte de ces petits commerçant est de voir les perturbations se poursuivre jusqu’à Noël.