Le sujet revient sur la table à intervalles réguliers. Depuis le début du quinquennat de François Hollande, la dépénalisation du cannabis a provoqué de multiples débats. Cécile Duflot, alors ministre du Logement, mais aussi Vincent Peillon à l'Education Nationale ou Christiane Taubira au temps où elle était à la Justice se sont prononcés, au minimum, pour l'examen de la question. Lundi soir, c'est Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, qui a remis une pièce dans la machine.
Outre les arguments de santé publique, le terrain économique est souvent investi par les partisans d'une légalisation de la marijuana. Car la libre consommation, vente et/ou production de cette drogue pourrait être une aubaine pour les finances publiques.
Recettes record aux USA. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder ce qui se passe dans les pays ayant déjà adopté la dépénalisation du cannabis. Aux Etats-Unis, le Colorado est le premier Etat à avoir, en 2014, légalisé son usage récréatif. En un an, les recettes fiscales liées à la vente de marijuana pour le loisir ou dans un cadre thérapeutique se sont élevées à 76 millions de dollars (66,6 millions d'euros). Elles devraient même dépasser les 135 millions (118,3 millions d'euros) en 2015, selon un rapport de deux instituts de recherche spécialisés, ArcView et New Frontier Data. Pour l'Etat de Washington, les chiffres sont comparables : 70 millions de dollars (61,4 millions d'euros) générés par les taxes la première année de la légalisation du cannabis.
Court-circuiter le marché noir. Aux Etats-Unis, la marijuana est un produit significativement plus taxé que les autres, ce qui explique ces recettes record. Ainsi, au Colorado, trois taxes différentes, de 2,9%, 10% et 15%, se superposent. La légalisation permet de remettre dans le giron des pouvoirs publics des recettes qui, lorsque le produit est illégal, reviennent intégralement au marché noir. C'est (entre autres) pour cette raison que l'Uruguay est devenu, en 2013, le premier pays à contrôler intégralement la production, la vente et la consommation de cannabis. Auparavant, ce commerce représentait entre 30 et 40 millions de dollars (26,3 à 35 millions d'euros) sur l'économie parallèle.
Bénéfices indirects. Cette manne doit être pondérée par les coûts sanitaires engendrés par la consommation du cannabis. Mais ces coûts existant déjà alors même que le produit est illicite, les pouvoirs publics n'ont que peu à perdre. Au contraire, ils peuvent même investir plus massivement dans la prévention. Sans compter qu'à ces recettes directes s'ajoutent des bénéfices indirects, liés par exemple à la baisse du coût de la lutte contre l'usage du cannabis. En outre, le commerce de la marijuana serait bénéfique pour l'économie globale des Etats qui l'autorisent. Il dynamise d'autres secteurs, comme celui des lampes nécessaires pour la culture de l'herbe, ou encore le tourisme. Selon le Marijuana Business Factbook 2016, chaque dollar dépensé pour acheter cette drogue aux Etats-Unis permet ainsi d'injecter trois dollars dans l'économie américaine.
Une dépénalisation pour économiser 311 millions. En France, une étude sur ce que pourrait rapporter la légalisation du cannabis à l'Etat a été menée en 2014 par le think tank Terra Nova. Ses auteurs distinguent trois scénarios possibles. Dans un premier cas, la simple dépénalisation de l'usage, qui consiste à ne pas poursuivre ni punir les consommateurs, tout en continuant d'interdire la production et la vente. Cette solution "ne permettrait pas de collecter de nouvelles recettes fiscales", note Terra Nova. "En revanche, elle entraînerait une réduction significative du coût public de la répression (coûts policier, judiciaire et carcéral)." Bilan : une économie budgétaire de 311 millions d'euros par an, liée surtout à la division par sept des coûts policiers.
" La légalisation du commerce et de la production pourrait se traduire par des investissements et des créations d'emploi. "
Un monopole public qui rapporte 1,8 milliard. Dans un second scénario, Terra Nova imagine la légalisation de l'usage et de la vente de cannabis dans le cadre d'un monopole public. L'Etat contrôlerait donc la filière. En imaginant que les pouvoirs publics augmentent sensiblement le prix de la marijuana et que celle-ci soit taxée au même niveau que le tabac, les recettes fiscales s'élèveraient à 1,3 milliard d'euros par an. Les dépenses publiques, elles, baisseraient de 523 millions. Au total, cette solution rapporterait donc 1,8 milliard d'euros à l'Etat français. Elle pourrait en outre "se traduire par des investissements et des créations d'emploi significatives", estiment les auteurs de l'étude.
Une légalisation concurrentielle pour 2,2 milliards. Enfin, une troisième voie pourrait être choisie, avec une légalisation sans mainmise étatique. Dans ce cas le bénéfice serait encore plus important pour les finances publiques, à hauteur de 2,2 milliards d'euros par an. Mais cela engendrerait une forte hausse de la consommation, un cadre concurrentiel entraînant la baisse des prix. Avec plus de consommateurs, les dommages sanitaires (et, de facto, les dépenses de santé) seraient plus importants. Terra Nova encourage donc les autorités à se saisir du deuxième scénario, avantageux tant pour l'économie qu'en matière de santé publique.