Une campagne pour l’élection présidentielle, c’est la promesse de changer beaucoup de choses mais aussi l’engagement de revenir sur une partie des réformes initiées par le précédent président. François Fillon ne déroge pas à la règle et promet, s'il est élu en mai 2017, de détricoter l’héritage de François Hollande, notamment la très symbolique loi Taubira. Mais si ce vaste détricotage a surtout été abordé sous un angle sociétal, l’essentiel des mesures que François Fillon souhaite abroger sont économiques. Europe 1 passe en revue les dix principales réformes de François Hollande que le candidat de la droite annulera.
• Impôt : revenir sur le quotient familial. Fin 2013, le gouvernement Ayrault met en œuvre la promesse d’abaisser le plafond du quotient familial : en clair, il s’agit de limiter davantage les réductions d’impôts dont bénéficient les familles nombreuses les plus fortunées (environ 5% des contribuables). L’objectif est de renforcer la justice sociale et de réduire le déficit de la Sécurité sociale mais cette mesure a participé à l’impression de ras-le-bol fiscal. François Fillon y voit, lui, une injustice pour les plus fortunés et, surtout, les familles nombreuses. Alors que le plafond est passé sous François Hollande de 2.336 à 2.000 puis 1.500 euros, François Fillon propose de le faire remonter à 3.000 euros. En résumé, les familles nombreuses paieraient moins d’impôts, surtout les plus aisées.
• Allocations familiales : rétablir l’universalité. Dans la même veine, le gouvernement Valls décide en octobre 2014 de mettre fin à l’universalité des allocations familiales. Alors qu’auparavant leur montant était le même pour tous les foyers, ce dernier dépend désormais des revenus du foyer : plus un ménage gagne bien sa vie, plus ses allocations familiales sont basses. D’après le gouvernement, la mesure a concerné 600.000 ménages parmi les 20% les plus aisés. Dénonçant une inégalité et une menace pour la politique nataliste de la France, le candidat de droite propose de rétablir l’universalité des allocations familiales : un ménage avec deux enfants et gagnant le Smic recevrait alors de nouveau le même montant qu’un ménage similaire gagnant 10.000 euros mensuels.
• Logement : détricoter la loi Alur. Promulguée en mars 2014, la loi Alur est la principale réforme menée par Cécile Duflot. Véritable mille-feuille législatif, cette loi prévoit entre autres d’encadrer davantage les activités des agences immobilières et des syndicats de propriété, d’encourager et faciliter la construction de logements sociaux, mais aussi d’encadrer les loyers dans les zones sous tension (seulement Paris pour l’instant). La mesure, applaudie par les locataires, a en revanche reçu un accueil plus que mitigé de la part des propriétaires et des professionnels du secteur. Fillon veut abroger ce dispositif, notamment l’encadrement des loyers : à la place, plus un propriétaire proposerait un loyer bas, plus il aurait droit à une réduction de la taxe foncière. L’ancien Premier ministre souhaite aussi revenir sur la loi SRU de 2000, qui prévoit un minimum de 25% de logements sociaux dans chaque ville. Il veut également limiter le parc social à 40% des logements d’une ville pour éviter les phénomènes de ghettoïsation.
• Fonction publique : rétablir le jour de carence. Le jour de carence désigne cette ou ces journée(s), au début d’un arrêt maladie, durant laquelle un travailleur n’est pas payé : l’objectif est clairement d’inciter le salarié à ne pas s’absenter pour une affection bénigne et de lutter contre l’absentéisme. Après avoir été réservé aux salariés, il est étendu aux fonctionnaires par le gouvernement Fillon en 2012, avant que François Hollande n’annule cette réforme : à ses yeux, ce dispositif n’a pas prouvé son efficacité et les fonctionnaires n’ont bénéficié d’aucune compensation. Mais cette suppression a dans la foulée provoqué un bond de l’absentéisme, surtout là où il est déjà le plus fort, au sein de la fonction publique territoriale. François Fillon propose donc de rétablir un jour de carence, d’abord au nom de l’égalité entre les secteurs privés et public, ensuite pour faire passer un message contre le laxisme.
• Empêcher le prélèvement à la source. Cette réforme fiscale a été adoptée en première lecture mi-novembre dans le cadre du PLF 2017 et doit encore être confirmée d’ici mi-décembre pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2018. Le gouvernement vante une simplification du système fiscal et la fin du décalage d’un an entre le moment où un contribuable gagne de l’argent et le moment où il s’acquitte de l’impôt sur ses revenus. En face, Fillon propose une abrogation pure et simple du dispositif qui va, à ses yeux, complexifier des démarches fiscales déjà fastidieuses. "C'est une réforme que je ne ferai pas appliquer pendant mon quinquennat", a-t-il assuré, jugeant la valeur ajoutée "discutable", "maintenant que l'on peut déclarer son impôt en ligne". À la place, il préconise de généraliser la mensualisation de l’impôt sur le revenu.
• Banaliser le CICE. Instauré par François Hollande au nom de la compétitivité des entreprises, le CICE leur offre une réduction d’impôts conséquentes, pouvant aller jusqu’à 6% de la masse salariale. Trop complexe, estime François Fillon qui veut supprimer ce dispositif pour le remplacer par une baisse généralisée des charges, quels que soient l’entreprise et le niveau de salaire. Le dispositif serait alors plus simple mais aussi moins ciblé : la baisse des charges concernerait toutes les entreprises et non, comme c’est le cas aujourd’hui, seulement celles qui sont soumises à la concurrence internationale et qui rémunèrent leurs employés en-dessous de 2,5 Smic.
• Jeter aux oubliettes le compte pénibilité. Parce que l’espérance de vie de chacun dépend du type d’emploi occupé, le compte pénibilité introduit un changement de paradigme : permettre à ceux qui ont eu des métiers difficiles de partir plus tôt à la retraite. Le système a commencé à entrer en application le 1er janvier 2015 et monte progressivement en puissance, au grand dam des employeurs qui dénoncent une usine à gaz difficilement applicable à leurs yeux. François Fillon propose donc "d’abandonner le système de compensation de pénibilité qui n’est pas applicable car trop complexe". A la place, il souhaite "traiter la pénibilité par l’amélioration des conditions de travail".
• Revenir sur la fermeture annoncée de Fessenheim. C’était l’une des promesses de campagne de François Hollande destinée à séduire l’électorat écologiste : fermer la plus vieille centrale nucléaire encore en activité avant la fin du mandat. Sauf que cette fermeture dépend également du lancement de l’EPR de Flamanville, censé prendre le relais mais qui accumule les retards. Ce dernier ne fonctionnera pas avant 2018, si bien que la fermeture de la centrale de Fessenheim sous ce quinquennat est plus qu’hypothétique. François Fillon entend, lui, revenir sur cette fermeture et étendre sa durée de vie, quelles que soient les avancées sur le chantier de l’EPR.
• Revoir la loi Pinel sur les auto-entrepreneurs. Adoptée en 2014, cette réforme instaure de nouvelles obligations pour les auto-entrepreneurs, afin de réduire l’impression de concurrence déloyale ressentie par les artisans. Conséquences concrètes : de nouvelles taxes, une immatriculation obligatoire à la chambre des métiers de l’artisanat et un stage avant de s’installer. Souhaitant relancer l’auto-entreprenariat, François Fillon veut "supprimer les contraintes de la loi Pinel". La formation deviendrait alors volontaire et l’immatriculation se ferait en ligne. En revanche, il n’a pas précisé s’il comptait supprimer les nouvelles taxes que doivent régler les auto-entrepreneurs.
• Ne pas généraliser le tiers payant. Le tiers payant, qui existe déjà pour les bénéficiaires de prestations sociales (CMU, AME, ACS) et les malades de longue durée, permet d’éviter d’avancer les frais d’un soin médical en présentant sa carte vitale. Le gouvernement veut qu’il devienne la norme pour tous d’ici fin 2017 : en clair, un patient n’aurait plus rien à payer au médecin, tant que ce dernier pratique un tarif conventionné. Mais les praticiens de santé sont vent debout car s’il facilite la vie des patients, il complexifie la leur : ce serait à eux d’effectuer de nouvelles démarches administratives pour récupérer leurs honoraires auprès d’une Assurance maladie et de mutuelles pas toujours conciliantes et qui paient en retard. Pour François Fillon, le tiers payant "ouvre la porte à la déresponsabilisation" : il "donne le sentiment au patient que la médecine est gratuite et conduit à des abus. Il étatise la profession médicale". Il souhaite donc annuler sa généralisation.