Barack Obama a eu beau affirmer mardi que la transition avec Donald Trump sera "la plus douce possible", cela pourrait ne pas durer bien longtemps. Au lendemain du discours d'adieu émouvant de celui qui a présidé les États-Unis pendant huit ans, le milliardaire donne mercredi sa première conférence de presse, à quelques jours de son investiture. Donald Trump devrait en profiter pour préciser son programme pour les quatre ans à venir et notamment les grandes lignes de sa politique économique. Dans ce domaine, le changement devrait être radical puisqu'il s'est engagé à revenir sur plusieurs mesures prises par Barack Obama.
Reprendre l'ascendant sur la Chine
Incident protocolaire, bisbilles en mer de Chine, drone capturé puis rendu.. Les relations entre les États-Unis de Barack Obama et la Chine n'ont pas toujours été au beau fixe. Mais s'il y a bien un domaine où le résident de la Maison-Blanche s'est attelé à maintenir un lien sino-américain fort, c'est le commerce. Sous l'ère Obama, la Chine est devenue le premier partenaire commercial des États-Unis. Aujourd'hui, 9,2% des exportations américaines partent pour la Chine (3ème derrière le Canada et le Mexique) et 20% des importations en proviennent (1er), selon des chiffres de l'Observatory of Economic Complexity. Les deux plus grandes puissances économiques sont plus liées que jamais.
"La Chine viole notre pays". Donald Trump porte un regard radicalement différent vers l'autre côté du Pacifique. En 2015, il avait déclaré à CNN : "La Chine s'est enrichie grâce aux États-Unis. Elle s'est construite grâce à l'argent et aux emplois qu'elle a pompés ici". Quelques mois plus tard, il était allé encore plus loin lors d'un meeting dans l'Indiana : "Nous ne pouvons pas continuer à laisser la Chine violer notre pays. Et c'est ce qu'ils sont en train de faire".
Donald Trump estime que la Chine manipule le taux de change du yuan à son avantage et abuse de son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce. Le président élu veut donc prendre des mesures pour renverser le déséquilibre, quitte à brusquer les autorités chinoises. Il exige que la Chine ouvre son marché intérieur aux entreprises américaines sous peine de se voir imposer une taxe de 45% sur les produits chinois importés aux États-Unis. Une mesure contraire aux règles de l'OMC et contre laquelle Pékin pourrait déposer plainte.
Remettre en cause le libre-échange
L'exemple de la Chine est symbolique des relations commerciales que veut entretenir Donald Trump avec les partenaires des États-Unis. Le milliardaire compte bien appliquer à la lettre son slogan "Make America great again" et cela passe notamment par des mesures protectionnistes. Un vrai changement par rapport à la ligne Obama. L'actuel président des États-Unis a privilégié une politique de libre-échange pendant ses deux mandats, notamment en négociant deux traités transcontinentaux.
Sortir du partenariat transpacifique. Le partenariat transpacifique (TPP) d'abord, signé en février 2016 et en attente de ratification. Il vise à intégrer les économies des pays de la côte Pacifique de l'Amérique (États-Unis, Canada, Mexique, Pérou, Chili), de l'Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande) et de l'Asie Pacifique (Japon, Singapour, Brunei, Vietnam, Malaisie). D'autres pays asiatiques, notamment la Corée du Sud, ont annoncé leur intérêt pour le TPP. Donald Trump entend faire sortir aussi vite que possible les États-Unis du traité : "Le TPP est un viol de notre pays", disait-il en juin dernier.
Idem pour le Tafta, le fameux traité controversé de libre-échange entre les États-Unis et l'Union européenne. Barack Obama a longtemps espéré le signer durant son mandat mais les négociations patinent depuis plusieurs mois. Donald Trump a publiquement exprimé son hostilité à ce traité durant la campagne présidentielle. Enfin, il y a l'Alena, traité qui lie le Canada, les États-Unis et le Mexique. En vigueur depuis 1994, il est, selon Donald Trump, la cause de la perte de millions d'emplois américains, délocalisés au Mexique. Dans le cadre de ses attaques contre les constructeurs automobiles, il a annoncé son souhait de le renégocier.
Remodeler l'Obamacare
Abrogation totale, amendement partiel, remplacement par un autre système ? Donald Trump a dit tout et son contraire quand on lui demandait ce qu'il comptait faire de l'Obamacare. La couverture santé mise en place par le président Obama a permis de réduire le nombre d'Américains sans assurance de 16% à 9% depuis 2010. Cette réforme, de son vrai nom l'Affordable Care Act, est probablement la plus marquante des huit ans de Barack Obama à la Maison-Blanche, même si elle est imparfaite - les prix des assurances ont flambé et tout le monde n'est pas couvert.
Pas de décision définitive. Donald Trump en a fait une de ses cibles privilégiées durant la campagne, martelant à chaque meeting combien l'Obamacare est inefficace et trop coûteuse. Mais il n'est pas très clair sur ce qu'il compte en faire. En mai 2015, il promettait de ne pas toucher au budget de la Sécurité sociale, de Medicare et de Medicaid, composantes de la réforme d'Obama. Puis, dans le feu des meetings, il l'avait qualifiée d'"horrible chose" et promis de l'abroger. Dernier épisode en date, suite à sa rencontre avec Barack Obama après son élection en novembre, Donald Trump avait affirmé au Wall Street Journal ne pas avoir encore décidé : "Obamacare sera soit amendée, soit abrogée, soit remplacée". Quoi qu'il en soit, il y aura forcément du changement.
Libérer la production énergétique
Sur le plan environnemental, Barack Obama a souhaité se démarquer de ses prédécesseurs en s'impliquant davantage dans la lutte contre le réchauffement climatique. Second émetteur mondial de gaz à effet de serre, les États-Unis ont ratifié l'accord de Paris sur le climat en septembre 2016. L'administration Obama a également pris des dispositions pour limiter les émissions polluantes en imposant des restrictions fédérales sur la production d'énergie, notamment en ce qui concerne le gaz de schiste (même si Obama est pour la fracturation hydraulique), le pétrole, le gaz naturel et le charbon.
Privilégier les emplois. Donald Trump considère ces restrictions comme un immense gâchis économique. Le président-élu envisage donc de les lever pour libérer, selon lui, l'équivalent en production de 50 000 milliards de dollars (soit près de trois fois le PIB américain) et créer ainsi des "millions d'emplois bien payés". Peu importe l'impact sur le climat, Donald Trump se concentre sur le gain économique. Un exemple parmi d'autres, celui du pipeline Keystone qui relie les exploitations de sable bitumeux du Canada avec les centres pétroliers des États-Unis. Barack Obama s'est opposé au prolongement du pipeline et n'a pas délivré de permis de construire au gérant TransCanada. Trump veut relancer la construction, susceptible de créer de nombreux emplois côté américain.