Bruno Le Maire a appelé mardi les grands groupes à la "modération" dans le "versement des dividendes" aux actionnaires, alors qu'une crise économique menace de s'ajouter à celle sanitaire, en raison de l'épidémie du nouveau coronavirus. Pour le ministre de l'Economie, mais aussi la ministre du Travail Muriel Pénicaud, il faut garder cet argent pour passer la crise et aider les salariés.
Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, a déclaré vendredi à l'AFP à l'issue d'une réunion téléphonique avec l'Elysée qu'un "projet de loi" était même en préparation pour inciter les entreprises à ne pas verser de dividendes cette année. "Normalement il devrait y avoir un projet de loi incitatif pour les entreprises qui ont reçu de l'aide et qui ne pourront pas verser de dividendes", a-t-il dit à l'issue de la discussion, qui a réuni les partenaires sociaux, le Premier ministre et plusieurs ministres (Travail, Santé, Economie). "Il y a aura une communication du ministère de l'Economie dans l'après-midi", a de son côté souligné Laurent Berger, numéro un de la CFDT, qui a réclamé en début de semaine que les entreprises ne versent pas de dividendes cette année.
Des situations différentes selon les entreprises
Mais c'est un message diversement reçu par les entreprises contactées par Europe 1. Dès la demande du ministre certaines entreprises ont joué aux bons élèves : JCDecaux, Airbus ou encore Auchan Holdings...Mais derrière ces annonces, le message passe mal dans certaines entreprises. Selon nos informations, l'Afep, qui rassemble les plus grandes entreprises françaises, vient d’écrire au ministre pour lui dire : "On ne veut pas de loi". Si certaines entreprises peuvent faire ce geste c’est parfait, mais dans certaines sociétés, il y a aussi beaucoup d’actionnaires salariés...
Et justement pour Aldo Sicurani, de la Fédération des Investisseurs individuels, il ne faut pas oublier que ce sont les actionnaires qui prennent tous les risques. "Les salariés ont un certain nombre de garde-fous, qui leur permettent de percevoir leur rémunération", rappelle-t-il, "alors que les actionnaires, eux, subissent l'intégralité du risque. Quand l'action baisse de 80%, il n'y a personne qui vient leur dire 'on prend en charge la moitié de la baisse'!"
Quelle politique dans les entreprises dont l’État est lui-même actionnaire ?
Selon nos informations, Bruno Le Maire a signé tard jeudi soir un courrier à toutes les entreprises où l’Etat est actionnaire. Il leur demande la modération du coté des dividendes. "Il faut donner l'exemple", nous disait-on jeudi à Bercy. Et certaines entreprises, qui pourraient avoir besoin du soutien de l’Etat comme Air France ou Renault, seraient inspirées de bien entendre ces consignes, dit-on dans les couloirs du ministère.
Mais malgré tout, pour certains actionnaires, il n'est pas normal de couper les dividendes dans les entreprises qui fonctionnent bien en ce moment, comme par exemple dans la téléphonie. "Il n'y a aucune raison qu'elles passent leurs dividendes. Les investisseurs, c'est aussi beaucoup de petites gens ! Donc il faut absolument que les dividendes soient servies : les actionnaires doivent être payés, le dernier s'il en reste", estime Pierre-Henri Leroy, du cabinet de conseil ProXinvest.
Mais dans cette période où tout le monde se serre la ceinture, le ministre compte bien en faire une affaire politique.
L'ESSENTIEL CORONAVIRUS
> Congés payés, RTT, arrêt maladie : ce que change l'état d'urgence sanitaire
> Que sait-on de la chloroquine, le traitement qui fait débat ?
> Que faire si l'on est malade, mais pas du coronavirus ?
> Pourquoi il va falloir être patient pour se faire rembourser un voyage annulé
> Pain maison, circuits courts... Nos solutions pour continuer à bien manger pendant le confinement
> Sexe : comment gérer l'abstinence pendant le confinement ?