Crise des agriculteurs : qu’est-ce que le prix plancher voulu par Emmanuel Macron ?

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Sylvain Allemand // Crédits : Ludovic MARIN / POOL / AFP
A la surprise générale, Emmanuel Macron a annoncé, lors de sa visite mouvementée du Salon de l’Agriculture, vouloir mettre en place un prix plancher dans chaque filière pour "pour protéger les revenus des agriculteurs". Une réforme en contradiction totale avec les discours tenus par l'exécutif depuis le début des contestations paysannes.

Est-ce la solution miracle pour protéger les agriculteurs ? Lors de sa visite mouvementée au Salon de l’agriculture, samedi dernier, Emmanuel Macron a pris à contre-pied les observateurs en suggérant que la future loi définissant les relations entre les acteurs de l’agroalimentaire puisse déboucher sur "des prix plancher". Une solution qui devrait permettre, selon le Président, de protéger le revenu agricole face aux techniques "les plus prédatrices" des industriels.

Cette mesure, réclamée depuis un long moment par les syndicats marqués à gauche de l'échiquier politique, comme la Confédération Paysanne, vise à bâtir des prix basés sur l’ensemble des coûts de production des exploitants en fonction de leurs filières. Une méthodologie, basée sur les indicateurs présents dans la loi Egalim 2021, qui devrait imposer aux industriels un prix en dessous duquel ils ne pourront pas descendre lors des négociations avec les agriculteurs. Des critères de calcul définis par des interprofessions. Elles estiment, par exemple, que la viande d’agneau devrait être vendue entre 9,61 et 11,49 euros, ce qui n'est pas toujours le cas. 

La crainte d'une perte de compétitivité 

Sans surprise cette fois-ci, cette annonce du président a été bien accueillie par le monde paysan partageant des idées politiques de gauche. "Un prix qui couvrirait nos coûts de production, inclurait notre rémunération paysanne et notre protection sociale, c'est bien sûr une avancée", a déclaré sur X le syndicat Confédération Paysanne. Pour d’autres, cette réforme est accueillie avec plus de frilosité. Le syndicat paysan FNSEA redoute que le prix plancher soit trop bas. De plus, les tarifs ne sont pas assurés d’être respectés. Les critères des calculs des coûts de production sont ardus à définir et imposent une régulation du marché. 

Dans un contexte de concurrence européenne, les denrées hexagonales risquent d’être trop coûteuses comparées à celles de leurs voisins. Une situation qui, selon les détracteurs de la réforme, exposerait les exploitants tricolores à une situation de concurrence déloyale. Paradoxalement, cette vision a été longtemps partagée par l’exécutif, et plus particulièrement par le ministre de l’Agriculture et par Bercy.

Un changement de cap 

"Les propositions démagogiques du genre 'on va fixer une obligation de prix plancher', ce que l’on ne peut faire que sur les prix agricoles français et qu’on ne peut pas faire sur les prix des autres pays, qu’est-ce que cela fait ? Cela vient mettre en concurrence déloyale les produits agricoles français", avait expliqué Marc Fesneau sur Franceinfo en janvier dernier. Autre signe de revirement stratégique d’Emmanuel Macron, une proposition de loi sur le prix plancher, portée par LFI, avait été rejetée par l’Assemblée nationale et la majorité présidentielle en novembre dernier. 

Pour le soutenir, le locataire de l’Elysée peut compter sur son ministre de l’Economie, pourtant historiquement réfractaire à cette réforme. En visite Porte de Versailles, Bruno Le Maire a prôné la compétitivité et une meilleure rémunération des agriculteurs. "Toute ferme française doit pouvoir être compétitive. Et donc il y a bien un prix plancher en dessous duquel vous ne pouvez pas vendre parce que ça n'est pas suffisamment rémunérateur, donc il n'y a absolument pas d'incompatibilité entre le prix plancher et la compétitivité des fermes françaises. Les deux vont ensemble", avait-il déclaré.