Après Volkswagen, Renault et Fiat Chrysler, au tour de PSA d’être éclaboussé par le scandale du "Dieselgate". Dans le cadre de l’instruction ouverte en avril sur le constructeur français, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a transmis à la justice un procès-verbal, révélé par Le Monde, mettant en évidence l’existence d’une "stratégie globale" frauduleuse. PSA est soupçonné d’avoir manipulé ses moteurs diesel afin qu’ils émettent moins d’oxyde d’azote, un gaz polluant, lors des tests d’homologation, qu’en conduite réelle. Le constructeur automobile, qui risque gros, "dément toute stratégie frauduleuse" et porte plainte pour violation du secret de l'instruction.
Que reproche-t-on exactement à PSA ?
Le document transmis à la justice par la DGCCRF, le gendarme de Bercy, est accablant pour PSA. Il est reproché au constructeur d’avoir truqué les moteurs de ses véhicules diesel pour passer les tests d’homologation. La méthode est la même que pour Volkswagen : les moteurs sont modifiés pour émettre moins de gaz polluants lors des essais en laboratoire. Mais une fois sur route, les émissions d’oxyde d’azote s’envolent. Il s’agit à la fois d’une fraude et d’une tromperie pour le consommateur.
La DGCCRF, citée par Le Monde, explique que les neuf modèles du groupe testés par l’Utac, l’organisme de certification des véhicules, présentent des taux d’émission d’oxyde d’azote (NOx) inférieurs à la limite autorisée (180 mg/km), dans les conditions spécifiques du test d’homologation. Mais le niveau d’émission dépasse, parfois allègrement, le seuil légal, lors des essais en conditions réelles. Les enquêteurs notent "une augmentation des émissions de NOx entre 30% et 170%". Le bonnet d’âne est attribué à la Citroën C3, avec un pic à 267,4 mg/km.
Comment PSA a fraudé les tests ?
Contrairement à Volkswagen, PSA n’a pas utilisé de logiciel mais plutôt un dispositif modifiant le comportement du moteur en fonction du moment, ce que la DGCCRF nomme des "calibrations frauduleuses". En clair, le dispositif faisait en sorte que le système de dépollution s’active beaucoup plus lors des tests qu’en conduite réelle.
Calibrage du moteur. Lors de perquisitions au siège de PSA, les enquêteurs ont mis la main sur un document au nom plutôt explicite : "dossier technique émissions stratégie diesel Euro 5". Selon Le Monde, c’est là que les enquêteurs ont trouvé l’explication de la fraude. Il semblerait que les moteurs soient calibrés avec deux modes de fonctionnement : le "LowNox", qui abaisse les émissions d’oxyde d’azote mais consomme plus, et le "LowCO2", qui augmente "de manière significative" les rejets d’oxyde d’azote mais réduit la consommation.
La conclusion des enquêteurs est claire : PSA a équipé ses véhicules diesel d’un "calculateur de contrôle moteur" qui activait "exclusivement" le mode "LowNox" pendant les tests, puis "majoritairement" le mode "LowCO2" en conduite réelle. L’intérêt est double : passer sans encombre les tests d’homologation et proposer aux clients des véhicules plus attractifs, en bridant le système de dépollution qui entraîne une reprise plus poussive et une surconsommation de carburants.
Quelle est l’ampleur de la triche ?
D’après le rapport de la DGCCRF relayé par Le Monde, "au moins 1.914.965 véhicules diesel de norme Euro 5 (celle en vigueur jusqu’en 2015, ndlr), dont le moteur fonctionne selon les stratégies frauduleuses", ont été vendus en France entre 2009 et 2015. Des ventes qui ont rapporté à PSA "33,86 milliards d’euros", au bas mot. La DGCCRF affirme que neuf modèles du groupe, dont les Peugeot 208, 807 et 5008 et les Citroën C3 et C5, sont concernés. L’enquête a par ailleurs été élargie aux véhicules équipés de moteurs Euro 6, commercialisés depuis 2015.
C’est beaucoup plus que dans les autres dossiers du "Dieselgate". Les enquêteurs avaient estimé que Volkswagen avait écoulé 946.097 véhicules équipés de son logiciel truqueur, pour un chiffre d’affaires de plus de 22 milliards d’euros. Quant à Renault, on parle de 898.557 voitures, pour près de 17 milliards.
Que risque PSA ?
L’enquête, confiée à trois juges du pôle santé publique du tribunal de grande instance de Paris, vise directement PSA en tant que personne morale, à travers son PDG Carlos Tavares. Mais l’actuel dirigeant du constructeur n’est pas le seul mis en cause. Jean-Martin Folz (PDG de 1997 à 2007), Christian Streiff (2077-2009) et Philippe Varin (2009-2014) sont également cités comme responsables présumés, cette fois en tant que personnes physiques. Les enquêteurs n’émettent guère de doutes sur leur implication : "MM. Folz, Streiff et Varin sont des dirigeants avertis, ils ne sauraient donc exciper (invoquer une exception, ndlr) de leur bonne foi sur le caractère frauduleux de la stratégie mise en œuvre au sein de Peugeot Citroën Automobile SA", soulignent-ils.
Un document interne saisi par la DGCCRF, également révélé par Le Monde, lui fait dire que la direction était au courant, l’objectif du dispositif truqueur lui ayant été présenté "dès novembre 2010". Résultat, la "stratégie globale" frauduleuse mise en place par PSA a conduit la justice à ouvrir une instruction le 7 avril pour "tromperie aggravée". Et la facture pourrait être salée. Selon le procès-verbal de la DGCCRF, PSA risque jusqu’à cinq milliards d’euros d’amende, l’équivalent de 10% de la moyenne du chiffre d’affaires des années 2013, 2014 et 2015.
Comment réagit PSA à ces révélations ?
Suite à l’article du Monde, "le groupe PSA a décidé de déposer une plainte auprès du Procureur de la République pour violation du secret de l’instruction", a déclaré un porte-parole du groupe. "Cette situation porte atteinte à sa réputation et aux intérêts des 210.000 salariés du groupe, de ses clients et de ses partenaires", avait précisé PSA dans un communiqué un peu plus tôt.
Par ailleurs, le constructeur automobile "dément toute stratégie frauduleuse et réaffirme avec force la pertinence de ses choix technologiques". PSA "n'a pas été contacté par la justice" et "s'indigne de la transmission d'informations à des tiers sans qu'il ait eu de son côté accès au dossier transmis par la DGCCRF au parquet, ce qui lui interdit jusqu'à présent de faire valoir ses arguments". Sans nier l'existence du document révélé par Le Monde, et auquel il n'a pas encore eu accès, PSA se défend donc sur le fond du dossier.