A Pondaurat, en Gironde, le château des Antonins et ses 30 hectares de vignes n'ont pas échappé à l'épisode exceptionnel de gel qui a touché une très grande partie des vignobles français ces derniers jours. Au bout des rangs, les traces noires de la paille qu'on a fait brûler pendant deux nuits glaciales pour tenter de contrer le froid sont encore visibles. Ces feux ont été vains : le domaine a été entièrement touché. "Ça c'est touché, ça c'est touché, ça c'est cuit", constate, dépité, le vigneron Antoine de Roquefeuil au micro d'Europe 1 en passant dans les rangs.
"Un coup au moral terrible"
Les traits tirés, il repense à ce "soleil qui était très persistant dès 8 heures" le matin, après les gelées, et qui a entraîné "un noircissement rapide des parties touchées"." On a eu des températures allant jusqu'à -6°C", raconte-t-il. L'aide d'habitants de son village pour brûler entre 150 et 180 boules de paille et de foin n'y a rien fait. "On a perdu tout ce qui était sorti" en bourgeons, lâche Antoine de Roquefeuil.
"L'impact est terrible sur les vignobles de Bordeaux", observe Bernard Farges, le président du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, samedi sur Europe 1. Celui-ci évoque "un coup au moral terrible", dans un contexte déjà compliqué par la crise économique et la fermeture des restaurants, pour lequel il est encore "difficile de donner des chiffres". "Et derrière un chiffre global, il existe des situations particulières, avec des viticulteurs qui aujourd'hui ne sont pas très touchés et d'autres qui sont touchés à 80% ou 100%", ajoute-t-il.
La question des aides déjà sur la table
Au château des Antonins, à cause du gel, on ne produira pas autant de vins rouges, rosés et blancs qu'habituellement. Mais limiter la casse semble encore possible. "Les bourgeons qui ne sont pas sortis, a priori, devraient sortir", indique Antoine de Roquefeuil. "J'espère obtenir les deux grappes par rameau. Et sur ce qui a gelé et qui était déjà sorti, il nous reste un deuxième bourgeon qui va sortir, le contre-bourgeon. Si on a une belle floraison, pas trop chaud pour la fleur et pas trop d'eau, on peut espérer faire 50% du rendement."
Cela lui permettrait de ressortir de cet épisode de gel avec un moindre mal. Une issue pour laquelle Antoine de Roquefeuil signerait bien volontiers, alors que 22 hectares de ses 30 hectares avaient déjà été affectés par le gel en 2017. Le vigneron pourra peut-être également compter sur des aides, qui ont commencé à faire l'objet de discussions. Invité samedi sur Europe 1, le président du syndicat des Jeunes agriculteurs, Samuel Vandaele, a indiqué qu'un nouveau point aurait lieu lundi à ce sujet avec le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie "pour voir ce qu'on peut mettre en place sur des fonds, des assurances, de l'accompagnement" pour ces professionnels.
"Les fruits risquent d'être beaucoup plus chers"
D'autant plus que "10 régions" de France métropolitaine "sont concernées", rappelle Samuel Vandaele, et pas seulement pour les vignes. L'arboriculture et certaines grandes cultures, comme les betteraves, le blé ou le colza, font aussi partie des productions touchées. "Il risque d'y avoir beaucoup moins de fruits, de raisins et de vins français à la disposition" des consommateurs, relève par ailleurs le président des Jeunes agriculteurs. Et comme la vague de froid n'a pas touché seulement la France, "les fruits risquent d'être beaucoup plus rares et, de ce fait, beaucoup plus chers."
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Le gouvernement a d'ores et déjà annoncé qu'il allait déployer le régime de calamité agricole, pouvant aboutir à des indemnisations. Mais pour Bernard Farges, "annoncer des mesures d'urgence n'est pas le bon dispositif". "Ce vin (non produit) ne sera pas sur le marché dans 12 mois, voire 18 mois. Les soucis économiques liés au gel sont décalés. Plutôt que des annonces rapides, on a besoin d'avoir un engagement de soutien pour le moment où il y aura la vraie difficulté", estime-t-il.
Dans l'immédiat, les vignerons craignent surtout une deuxième vague de gel qui pourrait intervenir en début de semaine prochaine. Pour Samuel Vandaele, "ça pourrait être le deuxième coup de massue… et le dernier".