Avec sept candidats en lice pour la primaire de la droite et du centre, il était difficile d’aller dans le détails des propositions de chacun. Cette compétition étant désormais un face-à-face entre François Fillon et Alain Juppé, c’est l’heure de se focaliser davantage sur le programme de chacun, notamment en matière économique. Car au-delà de leurs nombreux points communs, tous deux vont désormais insister sur leurs différences pour marquer des points et décrocher leur ticket pour 2017. Voici les cinq principales différences qui devraient animer le débat de l’entre-deux tours organisé jeudi.
√ LA DURE DU TRAVAIL : deux manières de mettre fin aux 35 heures
Les deux candidats veulent mettre fin aux 35 heures mais de manière très différente. Alain Juppé préconise de laisser les entreprises négocier avec leurs salariés, avec une limite fixée à 39 heures hebdomadaires. Faute d’accord au bout de deux années, c’est cette durée qui deviendrait la norme. François Fillon propose de son côté d’autoriser les employeurs à aller jusqu’à 48 heures par semaines, la limite actuelle au niveau européen. La différence serait aussi pécuniaire, Alain Juppé prévoyant que les heures additionnelles seraient payées, ce que ne précise pas François Fillon.
Les fonctionnaires seraient également concernée, quel que soit le candidat des Républicains, mais avec là aussi des différences de taille : Alain Juppé souhaite augmenter le temps de travail en même temps que la rémunération tandis que François Fillon ne précise pas les compensations pour les fonctionnaires, si ce n’est l’instauration d’une rémunération au mérite. Le député de Paris va également plus loin en ce qui concerne le retour des jours des carences en cas d’arrêt maladie dans la fonction publique : il prévoit deux jours de carences, contre un seul pour Alain Juppé.
√ FONCTION PUBLIQUE : une baisse des effectifs du simple au double
Si les deux candidats partagent la volonté de réduire le nombre de fonctionnaires, ils ne mettent pas la barre au même niveau. Alors qu’Alain Juppé propose de supprimer 300.000 postes, François Fillon souhaite aller jusqu’à 500.000 suppressions. Les deux candidats comptent profiter des départs à la retraite pour réduire les effectifs mais, dans les deux cas, l’institut Montaigne s’interroge sur la "faisabilité" de ces mesures.
Du côté de Fillon, cela reviendrait chaque année à supprimer 100.000 postes parmi les 106.000 départs à la retraite. En clair, presque tous les néo-retraités ne serait pas remplacés, ce qui risquerait de grandement perturber le fonctionnement de l’Etat à moins, comme le souligne l’institut Montaigne, de compenser par un recours massif et temporaire à des contractuels. De son côté, Alain Juppé ne propose "que" 60.000 suppressions de postes par an et souhaite épargner l’Education, la Justice, l’Intérieur et la Défense… qui représentent les deux tiers des effectifs de d’Etat. Tous les efforts seraient donc concentrés dans d’autres secteurs, où le taux de non remplacement oscillerait entre 75 et 88%, du jamais vu. Sans oublier que Fillon comme Juppé prévoient de faire participer les collectivités territoriales à l’effort, sans que l’on sache comment ils pourront les y contraindre.
√ LOGEMENT : les HLM pour faire la différence ?
Dans ce domaine, les différences sont importantes. Alain Juppé estime qu’il faut cesser de multiplier les mesures et se contente d’un programme concis : abrogation de la loi Alur et rationalisation de la politique du logement mais pas de nouvelles exonérations fiscales, le maire de Bordeaux prévoyant par ailleurs une baisse de l’impôt sur le revenu. Quant au logement social, Alain Juppé souhaite plus de transparence dans leur attribution et de plus grandes contreparties de la part des locataires : obligation d’accepter un changement de logement lorsque la taille du ménage se réduit et suppression des demandes de logement social lorsque les candidats refusent deux offres.
La feuille de route de François Fillon est bien plus détaillée. Dans le secteur privé, il propose une TVA réduite pour l’achat d’une résidence principale ou pour un investissement locatif dans certaines zones. Il souhaite aussi revoir les règles du jeu pour les locations : si les locataires auraient moins de garanties à apporter, les expulsions seraient facilitées en cas de non-paiement du loyer ou de troubles répétés envers le voisinage. Le logement social connaitrait également des réformes profondes pour renforcer la rotation des locataires : les contrats de bail seraient limités à six ans pour les nouveaux entrants, le plafond de ressources serait revu à la baisse et le supplément de loyer pour solidarité – que paient ceux dont les revenus ont sensiblement augmenté tout ne restant dans un HLM – deviendrait obligatoire. C’est une bonne nouvelle pour les classes populaires, qui auront plus de chance de décrocher un logement, mais beaucoup moins pour ceux qui ont vu leurs revenus augmenter au fil des années tout en conservant leurs HLM.
√ INDEMNITES CHOMAGE : la dégressivité, mais à quel rythme ?
Une nouvelle fois, les deux candidats s’accordent pour réformer l’assurance-chômage et inciter les demandeurs d’emploi à reprendre plus vite un travail. La méthode pour y arriver est en revanche bien différente, l’institut Montaigne jugeant la proposition du maire de Bordeaux plus précise que celle du député de Paris. François Fillon propose le tour de vis le plus important puisqu’il veut sensiblement réduire le montant de l’allocation chômage au bout de six mois d’indemnisation. Alain Juppé prévoit un délai plus long : -25% au bout de 12 mois, puis -25% au bout de 18 mois sans descendre en dessous de 870 euros par mois. Dans les deux scénarios, les chômeurs qui refuseraient plus de deux offres d’emploi seraient sanctionnés et les incitations à se former seraient renforcées.
Reste à savoir quelle serait l’efficacité de telles politiques. L’institut Montaigne souligne qu’elles dépendraient grandement de la croissance et du dynamisme du marché du travail, sans oublier que de telles réformes ne réduiraient pas forcément les dépenses publiques.
√ AGRICULTURE : alléger les normes, jusqu’à quel point ?
Les différences entre les deux candidats sont moindres dans ce domaine : François Fillon comme Alain Juppé proposent d’abaisser les charges, de favoriser les regroupements d’exploitation, de surveiller davantage les négociations avec les industriels et les distributeurs, et de favoriser les circuits courts. En revanche, d’autres mesures marquent une approche bien différente des questions agricoles : le député de Paris préconise de supprimer le principe de précaution, inscrit dans la Constitution, mais aussi toutes les normes françaises plus exigeantes que celles prévues au niveau européen. Il veut en outre des étiquettes plus transparentes, indiquant notamment le prix payé à l’agriculteur. Le maire de Bordeaux, qui souhaite également alléger les normes dans une moindre mesure, insiste plutôt sur une montée en gamme et sur la conquête de nouveaux marchés étrangers.
- Ces mesures qui mettent les deux candidats d’accord
Si Alain Juppé et François Fillon ont des différences, ils partagent néanmoins les mêmes priorités dans de très nombreux domaines. Ainsi, tous deux veulent fusionner toutes les aides sociales en un seul et unique dispositif, avec l’idée suivante : son montant ne doit pas être supérieur aux revenus du travail. Ils souhaitent également rétablir le même niveau d’allocations familiales pour tous les foyers, alors que ces dernières sont depuis peu modulées en fonction des revenus du ménage.
Tous deux veulent également repousser l’âge de départ à la retraite à 65 ans et appliquer au secteur public – régimes spéciaux compris - les mêmes règles que dans le secteur privé. La réforme du contrat de travail est aussi au programme, avec un allègement des conditions de rupture d’un CDI, pour le rapprocher des CDD.
Les deux candidats souhaitent en outre augmenter la TVA pour abaisser les charges des entreprises, une forme de TVA sociale avec des différences à la marge : François Fillon propose une hausse de 2 points pour la TVA à 10 et 20%, tandis qu’Alain Juppé prévoit une hausse de un point uniquement sur la TVA à 20%. Enfin, tous deux promettent de supprimer l’ISF et d’accorder une baisse d’impôts aux ménages ainsi qu’aux entreprises.