C’est un décor digne d’un film James Bond : une paisible station de ski des Alpes suisses, située à 1.600 mètres d’altitude et emmitouflée dans son épais manteau de neige, qui se transforme chaque année pendant quatre jours en centre du monde politico-économique. Depuis mardi, la crème de la crème des décideurs mondiaux se retrouve au Centre des Congrès de Davos pour la 49ème édition du Forum économique mondial. Mais à quoi sert vraiment ce rendez-vous toujours très commenté ?
Un objectif : "améliorer l’état du monde"
Le Forum de Davos est l’idée d’un homme : Klaus Schwab, ingénieur et économiste allemand. Convaincu que l’Europe ne peut sortir de l’ombre de son cousin américain que par une union de ses forces vives économiques, il organise en 1971, à seulement 32 ans, le "Symposium européen du management". La première édition est plus une sorte de séminaire accueillant les meilleurs universitaires des États-Unis, chargés de "former" les leaders européens. Aujourd’hui âgé de 80 ans, Klaus Schwab est toujours président du Forum économique mondial et intervient lors des conférences.
Un entre-soi pas toujours bien vu. Selon ses statuts, le Forum de Davos œuvre pour "améliorer l’état du monde" en s’appuyant sur "les collaborations entre public et privé" pour "chercher des solutions et créer des partenariats pour agir". Un vœu pieux qui infuse dans le thème de chaque édition. Cette année, les participants sont réunis pour "concevoir une nouvelle architecture mondiale à l'âge de la quatrième révolution industrielle".
Une bonne volonté qui se heurte souvent à l’image d’entre-soi des riches que renvoie le Forum. Chaque année, les critiques vont bon train et les altermondialistes font entendre leur voix dans les rues de Davos. Pour autant, les débats sont plus ouverts qu’on peut l’imaginer. "La mondialisation produit des gagnants et des perdants. Désormais nous devons nous occuper des perdants, de ceux laissés-pour-compte", a ainsi estimé Klaus Schwab en préambule de l’édition 2019.
Une vitrine pour les chefs d’État…
En tant que grand raout de l’économie mondiale, Davos est une boussole du capitalisme. Les discours des chefs d’État et des patrons des plus grandes multinationales dessinent les grandes orientations de l’année à venir. Sa couverture médiatique et son assemblée prestigieuse font du Forum une vitrine inégalable pour exposer son point de vue sur l’état du monde. Ainsi, en 2018, l’événement avait été particulièrement scruté pour la venue conjointe de Donald Trump et Emmanuel Macron, qui y faisaient leur première apparition. Cette année, la star s’appelle Jair Bolsonaro, le nouveau président populiste du Brésil.
Pour autant, rien ne se décide au niveau politique, à Davos. Ce n’est pas le lieu pour signer des traités ou annoncer des accords. Le Forum est avant tout un espace d’échanges et de réflexion qui permet aux chefs d’État de discuter calmement entre eux, dans l’atmosphère calfeutrée de la station suisse. Derrière les rideaux, à l’abri des caméras, les décideurs mondiaux ont tout le loisir de tisser des liens informels qui porteront (ou non) leurs fruits quelques mois ou années plus tard. D'autres, comme Emmanuel Macron, en profitent pour faire du charme aux patrons, réunis à Versailles la veille du Forum.
… et une aubaine pour les entreprises
Mais si on parle souvent du Forum à travers la présence (ou l’absence) de certains chefs d’État, "Davos est aussi un rendez-vous d’entreprise très précieux", commente la patronne d’Engie Isabelle Kocher, sur Europe 1. Ainsi, la moitié des 3.300 participants de l’édition 2019 sont des hommes et des femmes chefs d’entreprise. Une bonne partie intervient lors des quelque 300 ateliers et conférences qui rythment l’événement. Mais là encore, c’est dans des pièces closes que réside l’intérêt et Davos, entre échange de cartes de visites et partages de bons tuyaux.
Pour avoir le privilège de participer au Forum, les entreprises doivent s’acquitter d’une cotisation annuelle de 50.000 à 500.000 euros. Le tarif de base s’accompagne d’un droit d’entrée pour le PDG de 18.000 euros, alors que les membres payant plus de 100.000 euros de cotisation peuvent bénéficier d’avantages tels que les dîners privés. Un millier de grands groupes financent ainsi l’organisation de l’événement par ce biais. En revanche, les dirigeants politiques et les universitaires sont invités. Contrairement aux premiers, les seconds ne payent ni entrée, ni voyage, ni hôtel. Des personnalités culturelles, des responsables d’ONG et des leaders religieux font également le voyage chaque année.