Ils ne se croiseront pas, ne se serreront pas la main, ne poseront pas ensemble pour la photo et pourtant le duel à distance entre Emmanuel Macron et Donald Trump fait frémir la paisible station alpine suisse de Davos. C’est là, à 1.600 mètres d’altitude et sous la neige qui tombe en abondance, que se tient, jusqu’à vendredi, le Forum économique mondial, rendez-vous annuel incontournable des élites du monde entier. Très attendu, le président français prendra la parole mercredi devant un prestigieux parterre de décideurs économiques, avec un ton volontairement ouvert et mondialisé. Loin de l’esprit du discours de clôture de son homologue américain, défenseur de "l’Amérique d’abord".
Deux présidents, deux états d’esprit. La différence de préparation est emblématique de l’opposition de style qui se prépare à Davos. Pendant qu’Emmanuel Macron recevait à Versailles une centaine de patrons pour vanter l’attractivité de la France, Donald Trump était aux prises avec le "shutdown", la fermeture pour raisons budgétaires de l’administration fédérale. Sa venue à Davos a même été suspendue quelques jours, avant que démocrates et républicains ne parviennent à un accord pour relancer la machine. De quoi ternir (un peu) la visite du milliardaire.
Macron, "force d’attraction". Tout l’inverse d’Emmanuel Macron qui arrive à Davos tout auréolé du succès de son "speed-dating" pour dirigeants de multinationales. "Sur la route de Davos, nous avons profité du fait que les leaders économiques venaient en Europe pour faire un stop à Paris et inviter 100 PDG des plus grands groupes mondiaux et construire avec eux 100 projets pour la France", a commenté l'Elysée. "Cela en dit long sur la force d’attraction de Macron : apparemment, l’ancien banquier d’affaires mué en responsable politique modernisateur est le leader occidental que les grands patrons s’arrachent", commentait mardi le Financial Times, journal économique de référence qui donne même du "Roi Soleil français" au chef de l’État.
Un discours devant des patrons conquis. Une répétition de luxe qui assure à Emmanuel Macron une réception plus qu’amicale à Davos, temple de la mondialisation et de la libre-entreprise. Depuis son élection, l’image de la France auprès des investisseurs étrangers a retrouvé des couleurs. Selon un baromètre réalisé en novembre par la Chambre de commerce américaine et le cabinet Bain, 72% des investisseurs américains escomptent une évolution positive du contexte économique en France contre 30% en 2016, un record depuis 18 ans. Et à en croire un sondage Ipsos auprès de 200 responsables de grosses sociétés étrangères en décembre, 60% jugent le pays attractif contre 46% en 2016.
" Macron va proposer sa vision internationale pour le monde de demain "
Dans l’ambiance feutrée du Centre de congrès de Davos, où les deals se concrétisent derrière les rideaux, le président plaidera mercredi pour une mondialisation mieux organisée et utilisera cette tribune pour "proposer sa vision internationale pour le monde de demain", une vision autant économique que politique, explique son entourage. Il exposera "les trois défis majeurs auxquels nous sommes confrontés : l'accroissement des inégalités - le thème de Davos cette année - la lutte contre le dérèglement climatique et l'érosion de la biodiversité ; et la gouvernance mondiale face à la montée des nationalismes et des extrémismes", selon l'Élysée. De quoi faire d’Emmanuel Macron l’attraction n°1 du 48ème Forum de Davos.
Trump vient "en majorette". A moins que le président français ne se fasse voler la vedette par un milliardaire exubérant à la célèbre mèche blonde. En effet, la venue de Donald Trump est un double évènement. D’abord car… il s’agit de Donald Trump et que la moindre sortie du président américain peut prendre une tournure inattendue. Sa déclaration d’intention dans le Wall Street Journal donne le ton : "Je viens à Davos en majorette (cheerleader en VO) pour les États-Unis". Ensuite car cela fait bien longtemps qu’un président américain n’a pas mis le pied dans la très chic station suisse. Le dernier à avoir fait le voyage à Davos est le démocrate Bill Clinton, en 2000.
Voilà pour la forme, mais sur le fond, qu’attendre de Donald Trump ? Son statut lui a permis de s’octroyer le discours de clôture, point d'orgue annoncé d'une semaine de séances de méditation, de discours, de rencontres confidentielles et de tables rondes. L'imprévisible président américain entend bousculer les chantres du libre-échange de Davos en vantant sa politique de "L'Amérique d'abord". "Je veux raconter ce qu’il se passe actuellement aux États-Unis", a-t-il dit au Wall Street Journal.
JOBS, JOBS, JOBS! #MAGApic.twitter.com/HScS4Y9ZJK
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 12 juillet 2017
Des succès concrets à mettre en avant. En d’autres termes, le président américain veut mettre en avant ce qu’il estime être une première année réussie à la Maison-Blanche. Et ses arguments sont solides : la croissance américaine devrait atteindre 2,5% en 2017, au plus haut depuis sept ans ; le taux de chômage est au plus bas à 4,1% depuis octobre ; la Bourse bat des records quasiment tous les jours… Bref, l’économie américaine se porte très bien et Donald Trump compte capitaliser dessus.
"Le président Trump réaffirmera qu'une Amérique prospère est une bonne chose pour le monde", a martelé Gary Cohn, conseiller économique du président, réaffirmant la conviction maintes fois répétées du milliardaire que le libre-échange n'était une bonne chose que s'il était "juste et réciproque". "L'Amérique d'abord ne veut pas dire l'Amérique seule", a insisté Gary Cohn, reprenant une formule fréquemment utilisée par la Maison-Blanche.
Si cela ne suffisait pas à convaincre les leaders économiques venus du monde entier, le businessman – qui devrait se sentir comme un poisson dans l’eau à Davos – a un atout dans sa manche : sa réforme fiscale, adoptée en décembre, qui prévoit notamment d’abaisser l'impôt sur les sociétés de 35% à 21%. Une réforme déjà saluée par le FMI, l’institution financière estimant qu’elle va booster l’économie mondiale à court terme. Un bon point pour Trump, un motif d’inquiétude pour Macron et un élément perturbateur dans ce duel à l’issue plus qu’incertaine.
Ami-ami à Washington
Ils ont beau ne pas s’entendre sur de nombreux de sujets, Trump et Macron entretiennent de bonnes relations. Le président américain, qui a beaucoup apprécié son passage à Paris à l’occasion du 14-Juillet, a rendu la pareille à son homologue. Mardi, Donald Trump a convié Emmanuel Macron à Washington, à une date non arrêtée. Le chef de l’État français aura l’honneur de la première "visite d'État" organisée par le président américain.