Renforcer la prévention, simplifier le système d'indemnisation et offrir des alternatives aux arrêts de travail. Trois experts missionnés par Matignon en septembre dernier pour faire face à la hausse du coût des arrêts maladies - 7,4 milliards d'euros en 2017, +15% sur la période 2010-2017 - ont rendu leurs conclusions mercredi au Premier ministre. Après s'être concentrés sur le système d'indemnisation des salariés du privé, Jean-Luc Bérard, DRH du groupe Safran, Stéphane Oustric, professeur de médecine, et Stéphane Seiller, magistrat à la Cour des comptes, ont dressé une liste de vingt propositions. Dont certaines risquent de faire parler.
Les arrêts de longue durée au cœur de la réflexion
La maîtrise de la dépense "passera principalement par celle des arrêts longs", insistent d'abord les rapporteurs, notant toutefois les "coûts de désorganisation" induits par l'absentéisme de courte durée. En 2017, les arrêts indemnisés inférieurs à trente jours, hors délai de carence, représentaient en effet 74% des arrêts indemnisés mais seulement 18% des dépenses. Ceux de moins de huit jours, eux, ne représentaient que 4% des dépenses, selon les chiffres de la Sécu.
Envisager des alternatives comme le télétravail
Pour les arrêts longs, la mission préconise donc que soit "fortement reformulé" l'objectif des dispositifs d'indemnisation, qui est la "reprise du travail", et qu'un "volet spécifique" des discussions à venir soit consacré à la prévention de la désinsertion professionnelle. À ce sujet, ils recommandent d'envisager "les dispositifs alternatifs" à un arrêt à temps complet : temps partiel thérapeutique ou télétravail, cette dernière option étant "au choix du salarié".
Étant donnée la place croissante des 60 ans et plus dans les arrêts maladie, conséquence des départs de plus en plus tardifs à la retraite, ils estiment aussi que la gestion des fins de carrière doit "constituer un enjeu de la future réforme des retraites".
Vers une "forfaitisation" des indemnités journalières
Côté simplification du système, les trois experts se prononcent pour une remise à plat des règles d'indemnisation. Ils mettent ainsi sur la table une piste déjà évoquée en octobre dernier : celle d'une possible "forfaitisation" des indemnités journalières, à hauteur de 0,7 Smic pour les arrêts jusqu'à 30 jours, quand aujourd'hui, en cas de maladie, la Sécurité sociale verse 50% du salaire dans la limite de 1,8 smic.
Mais cette forfaitisation ne pourrait intervenir, selon eux, sans une contrepartie : l'extension à l'ensemble des salariés du complément versé les deux premiers mois par l'employeur, dont neuf millions de salariés sont actuellement exclus. Elle s'accompagnerait aussi d'une généralisation de la subrogation (salaire maintenu, remboursé ensuite par la Sécu).
Un jour de carence obligatoire pour tous ?
Parmi les vingt recommandations du rapport, la plus sensible concerne toutefois l'éventuelle mise en place d'un jour de carence obligatoire pour tous, c'est-à-dire non payé, en cas d'arrêt maladie, comme c'est déjà le cas pour les fonctionnaires. En théorie, les salariés du privé ont actuellement trois jours de carence, mais dans les faits, ceux-ci sont souvent pris en charge par l'employeur. Les syndicats sont hostiles à l'idée, les employeurs favorables.
Alors, pour faire passer la pilule, la mission suggère que la mesure ne soit envisagée encore une fois que comme "contrepartie" à une extension du complément employeur à tous les salariés du privé, ou à la fin de la non-compensation de perte de salaire par l’employeur pour toute une série de salariés précaires : les CDD, les nouveaux employés ayant moins d’un an d’ancienneté, les salariés à domicile ou encore les saisonniers.
Les autres pistes
Le rapport contient d'autres recommandations. Pour que les entreprises puissent comparer leur absentéisme, ils appellent notamment l'Assurance maladie à mettre à disposition des "profils" et posent pour les entreprises une "obligation de diagnostic". Les écarts pourraient aboutir à une "modulation du taux de cotisation" en fonction de la sinistralité, comme pour les accidents du travail.
Pour l'heure, il ne s'agit que d'un rapport, destiné "alimenter la réflexion des partenaires sociaux" "au cours des trois prochains mois", indique Matignon. Cette phase est destinée à "identifier les sujets" qui pourront faire l'objet d'une négociation et ceux où "une concertation est préférable", ajoute le gouvernement.