Jusqu’à présent épargnée par le terrorisme, l’Allemagne a vécu une semaine éprouvante : entre le 18 et 24 juillet, le pays a été le théâtre de quatre attaques sanglantes qui ont fait une dizaine de victimes et une trentaine de blessés. Depuis ces "jours de terreur", selon la formule du président de Bavière, l’Allemagne est en plein doute et se pose une multitude de questions : toutes ces attaques sont-elles terroristes ? Faut-il y voir l’ombre de l’organisation Etat islamique ? Le profil des auteurs, souvent déséquilibrés, complexifie la tâche.
Une semaine sanglante outre-Rhin. L’Allemagne, et plus particulièrement la Bavière, a connu une succession d'attaques violentes. Le 18 juillet, un demandeur d'asile de 17 ans a blessé cinq personnes à coups de hache avant d’être abattu. Le 22 juillet, un Germano-Iranien de 18 ans obsédé par les tueries de masse, a tué neuf personnes – principalement des enfants - près d'un centre commercial de Munich avant de se suicider. Le 24 juillet, un réfugié syrien de 21 ans a tué une femme et blessé plusieurs personnes avec une machette avant d’être interpellé. Le même jour, un réfugié syrien de 27 ans s’est fait exploser dans la ville d’Ansbach, blessant 15 personnes.
L’Allemagne, une cible de Daech… Confrontée à une telle vague de violences, l’Allemagne ne peut s’empêcher de penser à Daech et aux 410 réfugiés dont le profil est jugé inquiétant par les autorités, d'après un décompte du quotidien Neue Osnabrücker Zeitung. Deux de ces attaques semblent d’ailleurs avoir un lien direct avec l’organisation djihadiste. L’auteur de l’attaque à la hache du 18 juillet a revendiqué son acte au nom de l'Etat islamique dans une vidéo enregistrée au préalable. L’EI a d’ailleurs revendiqué l’attaque et présenté l’assaillant comme un "soldat". Le kamikaze du 24 juillet avait lui aussi "fait allégeance" au groupe dans une vidéo retrouvée sur son téléphone portable, a annoncé lundi le ministre bavarois de l'Intérieur.
… mais ces attaques n’y sont pas toutes liés. La nature des deux autres attaques semble bien différente. L’auteur de la fusillade à Munich était né en Allemagne, souffrait de troubles psychiatriques et se passionnait pour les tueries de masse : les enquêteurs le qualifie de forcené et n’ont identifié aucun lien avec Daech. De même, l’attaque à la machette du 24 juillet est considérée comme un drame passionnel par les enquêteurs.
Les quatre drames qu’a vécus l’Allemagne sont donc différents, mais tous les auteurs ont en commun d’être de jeunes réfugiés ou d’origine étrangère, de religion musulmane. Le risque d’amalgame est grand, tout comme le fait de voir partout l’implication de Daech. Le quotidien FAZconsacre d’ailleurs lundi un article entier à ce risque de systématisation et à la couverture médiatique de l’attaque à Munich : la police s’est rapidement focalisée sur un possible commando de trois hommes équipés d’armes automatiques, méthode choisie par l'Etat islamique au Bataclan. Problème : il n’y avait à Munich qu’un seul assaillant et le lien avec l'organisation terroriste semble inexistant. Ce "réflexe" de voir l’implication de Daech "est un comportement rationnel dans un tel contexte d’incertitudes totales", souligne FAZ.
" "Depuis que l’Etat islamique a élargi son combat contre les ‘infidèles’, il est parfois difficile de faire la différence entre forcenés musulmans et terroristes islamistes" "
De la difficulté à différencier folie et terrorisme. L’Allemagne peine à qualifier toutes ces attaques, le ministre de l’Intérieur parlant d’une attaque "entre crise de démence et terrorisme". Preuve des doutes qui traversent l’Allemagne, le quotidien Süddeutsche Zeitung consacre un long dossier à cette ambiguïté, intitulé "ce qui différencie un attentat d’une crise de folie meurtrière". "Depuis que l’Etat islamique a élargi son combat contre les ‘infidèles’, il est parfois difficile de faire la différence entre forcenés musulmans et terroristes islamistes", d’autant que les premiers peuvent désormais justifier leur acte par l’idéologie des seconds, souligne le journal.
Passé, les appels au calme se multiplient dans un Etat qui a accueilli près d’un million de réfugiés en 2015. "Nous ne devons pas porter de soupçon généralisé contre les réfugiés, même s'il y a des procédures qui sont engagées dans des cas isolés", a déclaré le ministre de l’Intérieur. Le risque criminel représenté par les réfugiés dans le pays n'est proportionnellement "pas plus grand que dans le reste de la population", a renchéri la porte-parole ajointe du gouvernement.