La carotte pour les boulangers, le bâton pour les fournisseurs d'électricité : le gouvernement a tenté mardi d'apporter une réponse aux petites entreprises qui voient leur facture d'énergie flamber, tout en appelant les énergéticiens à prendre leur part. Côté pile, les PME et en particulier les 33.000 boulangers de France pourront "demander le report du paiement de leurs impôts et cotisations sociales" pour soulager leur trésorerie, a annoncé sur la radio Franceinfo la Première ministre Elisabeth Borne.
La cheffe du gouvernement souhaite aussi que les petits commerçants, confrontés pour certains à une explosion de leur facture d'énergie depuis le déclenchement de l'offensive militaire russe en Ukraine en février, puissent étaler son paiement sur plusieurs mois. Côté face, le gouvernement a très nettement haussé le ton envers les fournisseurs d'énergie, convoqués à 14h30 au ministère de l'Economie.
"Aujourd’hui, les fournisseurs n’aident pas suffisamment les boulangers et les PME. Je leur demande de faire plus, mieux, et tout de suite", a insisté le ministre de l'Economie Bruno Le Maire à l'issue d'une réunion à Bercy avec les représentants du secteur de la boulangerie. "Je suis navré de constater que les engagements qui ont été pris" dans une charte signée en octobre par les énergéticiens "ne sont pas respectés", a déploré le N.2 du gouvernement, menaçant de nommer les entreprises fautives si elles ne s'engageaient pas à corriger leur comportement dès la réunion prévue dans l'après-midi.
Si les énergéticiens ne rentrent pas dans le rang, "on peut toujours prélever davantage sur les fournisseurs d'énergie que ce que nous faisons aujourd’hui", a menacé Bruno Le Maire après des mois de débats enflammés autour de la taxation des "superprofits" Dans le budget pour 2023, le gouvernement a mis en place un mécanisme qui doit lui permettre de collecter une partie de la "rente" des énergéticiens et lui rapporter, selon ses estimations, 11 milliards d'euros.
"Accompagner chacun"
Le gouvernement reproche notamment aux énergéticiens de mettre le couteau sous la gorge des petits entrepreneurs, contraints d'accepter des offres dans des délais très contraints. Certains contrats d'approvisionnement électrique proposés aux PME manqueraient également de lisibilité, selon l'exécutif, qui va envoyer dans les prochains jours un courrier "personnalisé" aux boulangers de France pour les inciter à se saisir des aides déjà existantes comme l'amortisseur ou le guichet électricité.
"Aujourd’hui, nous avons à peine une cinquantaine de PME par jour qui viennent solliciter une aide à laquelle ils ont droit sur ce guichet", pourtant simplifié à de nombreuses reprises depuis sa création, a regretté Bruno Le Maire. D'où l'idée du gouvernement de mettre en place un "point d'accueil" dans chaque préfecture, "où les entreprises et notamment les boulangers en difficulté peuvent s'adresser", a indiqué Elisabeth Borne.
"Notre objectif est d'accompagner chacun en fonction de sa situation, et les situations sont très différentes", a affirmé la Première ministre. "Il y a des aides très importantes qui ont été mises en place", a salué à la sortie de la réunion à Bercy Dominique Anract, le président de la Confédération Nationale de la Boulangerie-Pâtisserie Française. "Maintenant, pour une facture (d'énergie) qui va être multipliée par dix ou douze, rien ne sera suffisant", a-t-il nuancé. "Le gros des problèmes d'électricité arrive maintenant", s'est-il encore inquiété, en appelant lui aussi à l'aide des énergéticiens. S'ils proposent des contrats aux clauses abusives, "ils enverront une ou deux factures et après ça sera fini, le boulanger fermera", assure Dominique Anract.
Une analyse partagée par Frédéric Roy, boulanger à Nice, qui estime que les annonces du gouvernement ne sont la que pour "gagner du temps", a-t-il expliqué au micro d'Europe 1. Malgré l'annonce mardi de ces dispositifs de soutien aux PME, Bruno Le Maire a une nouvelle fois fermé la porte à "des aides sans fin". "Ce sont des aides ciblées sur les entreprises les plus en difficulté", a-t-il martelé, alors que le gouvernement se voit parfois reprocher de prolonger indéfiniment le "quoi qu'il en coûte" décidé par Emmanuel Macron pendant la pandémie de Covid-19.