C'est un changement radical de vie professionnelle qui attend Matthias Müller, ex-dirigeant de Porsche et nouveau patron de Volkswagen, la maison mère de la marque. Le remplaçant de Martin Winterkorn passera d'une entreprise de 20.000 salariés, produisant près de 200.000 voitures par an, à un mastodonte qui emploie 600.000 âmes et fabriquent chaque année 10 millions de véhicules. Surtout, Matthias Müller va évoluer d'une marque ultra-rentable à un groupe à la peine, embourbé dans le scandale des normes de pollution et fragilisé par la conjoncture mondiale. Matthias Müller est-il de taille ? On fait les présentations.
Un "bébé" Volkswagen. L'actuel patron de Porsche, 62 ans, est avant tout un "bébé" du groupe Volkswagen. Son parcours démarre en 1977 : le jeune Matthias Müller, 24 ans, débute en tant qu'apprenti dans la fabrication de pièces détachées chez Audi, filiale de Volkswagen. Après des études d'informatique, Matthias Müller retourne chez Audi en tant que manager dans le service "technologie de l'information", puis gravit tour à tour les échelons de la hiérarchie jusqu'à devenir coordinateur des lignes d'Audi et Lamborghini, une autre marque du groupe. En 2007, il migre à la direction de Volkswagen, où il devient le lieutenant d'un certain Martin Winterkorn, qui l'avait repéré quelques années plus tôt. Après cinq ans à la tête de Porsche, de 2010 à aujourd'hui, Matthias Müller prend finalement la place de son mentor déchu. Il était également, depuis mars dernier, membre du comité directoire du groupe.
Un patron réputé… A la tête de Porsche, Matthias Müller peut s'enorgueillir d'un bilan exemplaire : la marque est la deuxième plus rentable du monde, derrière Jaguar et devant Ferrari, et l'objectif de production de 200.000 voitures par an est en passe d'être atteint trois ans avant la date annoncée. Sa stratégie – une production élevée pour une marque haut de gamme, des délais insignifiants et des produits de qualité – est enviée par ses concurrents, qui n'hésitent pas à s'en inspirer.
… Face à un scandale… Reste une question : Matthias Müller arrivera-t-il à adapter ses recettes au titan Volkswagen en pleine crise ? Trouver les responsables, renouveler l'équipe dirigeante, anticiper de potentielles amendes de plusieurs dizaines de milliards d'euros qui guettent le groupe partout dans le monde, regagner la confiance des clients, "verdir" les produits… Matthias Müller va devoir relever les défis colossaux qui lui imposent le scandale des normes de pollution.
… et de nombreux autres défis. Et pas seulement : "Volkswagen concentrait plusieurs interrogations depuis des mois. Le constructeur décroche aux Etats-Unis, du fait de son insuffisance d'offre en matière de SUV. [...] Autres sujets de fond : le ralentissement du marché chinois, qui concentre 32 % de ses ventes, le déploiement de sa plate-forme MQB - qui s'avère plus coûteux que prévu -, ou encore le recul de sa marque Volkswagen (- 2,2 % des ventes au premier semestre.)", rappelle le journal Les Echos vendredi.
Les représentants du personnel ont d'ailleurs prévenu : "nous n'accepterons qu'une personnalité avec une grande expertise technique et entrepreneuriale, ainsi qu'une grande compétence sociale", dixit le président du conseil d'entreprise, Bernd Osterloh, cité par Usine nouvelle. "Son style détendu et son allure décontractée", pour reprendre la description faîte par Reuters (il se rend souvent aux salons automobiles vêtu d'un pull-over, laissant les costumes taillés sur mesure aux autres dirigeants), l'aideront peut-être à enrayer, au moins, la crise de confiance.
Un pro-migrants. Matthias Müller est également connu pour ses prises de position sur la crise migratoire. Lui-même réfugié – natif de Chemnitz, en Allemagne de l'est, il a fui la RDA pour rejoindre la Bavière avec sa famille lorsqu'il était enfant -, il a récemment invité les élites à combattre "l'extrémisme" anti-immigration, dans un entretien à la "Süddeutsche Zeitung".