Lorsqu’on entre dans le "hall Jean-Luc Lagardère", il suffit de lever les yeux pour apercevoir sous les 46 mètres de hauteur le seul vestige de l’activité passée du site. Une photo de 30 mètres sur 10 de l’A380 survolant la chaîne des Pyrénées. C’était il y a près de vingt ans. Airbus avait construit ce bâtiment surdimensionné de 80 mètres de long sur 73 de large et 120.000 mètres carrés, l’équivalent de 500 terrains de tennis, spécialement pour assembler le plus grand long-courrier de l’histoire.
Aujourd’hui, la demande des voyageurs et des compagnies a changé. Elle s’est tournée vers des avions plus légers, moins gourmands en énergie, capables de voler en partie avec du carburant d’origine végétale. Le "hall Jean-Luc Lagardère" a donc été reconverti pour produire des appareils de la famille A320 et notamment des A321, le moyen-courrier dernière génération d’Airbus. Le bâtiment gigantesque abrite une chaîne d’assemblage ultra-moderne, imaginée en concertation avec les "compagnons" d’Airbus, ceux qui travaillent déjà sur un premier A321 qui sera livré en début d’année prochaine à une compagnie cliente dont l’identité est soigneusement gardée secrète.
Une chaîne d’assemblage ultra-moderne
Sur cette "FAL" (pour "final assembly line", en français "chaîne d’assemblage final"), plus de papiers. "Les opérateurs ont des smartphones et des tablettes qui leur permettent de consulter à tout moment les tâches qu’ils doivent réaliser", explique Marion Smeyers, directrice de la chaîne d’assemblage. Derrière les cabines blanches où sont postés les opérateurs autour d’un fuselage, des chariots élévateurs s’activent sans chauffeur pour transporter des palettes d’équipements. "On a automatisé la logistique de proximité, les derniers mètres entre le stock intermédiaire et les sas où on assemble les pièces", raconte Philippe Lassus, responsable de cette logistique automatisée, "ces charriots élévateurs sont pilotés avec une caméra 3D et suivent un circuit déterminé au préalable." Quatre employés supervisent les machines et interviennent en cas de problème. À terme, ils auront la charge de 24 charriots élévateurs automatisés sur ce site.
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Et la robotisation de la ligne ne s’arrête pas là. Airbus y a aussi recours pour le perçage des fuselages avec le "flex track". "Il y a deux rails qui sont ventousés le long des tronçons et le robot se promène entre les deux rails et vient percer où il faut", détaille Marion Smeyers. "D’habitude, les perçages sont réalisés à la main. Là, pour la première fois, on a mis en place cette technologie sur une chaîne d’assemblage final." Le "flex track" permet de soulager les opérateurs et assure une meilleure qualité des perçages. Airbus met l’accent sur l’apport humain. Mais il y a aussi une logique de productivité derrière cette "FAL".
Airbus, victime de son succès, doit produire plus
Car l’avionneur doit monter en cadence. "Deux fois plus de commandes cette année pour Airbus que pour Boeing, ça mérite un tonnerre d’applaudissements pour la compagnie", se réjouit sur scène le ministre de l’Économie Bruno Le Maire présent pour l’inauguration. Mais le groupe européen doit assurer ces livraisons. Rien que sur les 6 derniers mois, plus de 500 A321 ont été commandés à Airbus. "L’A321 est aujourd’hui le plus performant en termes de consommation de carburant, c’est pour ça qu’on a une très grosse demande sur cet appareil", reconnait Guillaume Faury, le directeur général d’Airbus, "c’est plus de la moitié du carnet de commandes d’Airbus, plus de 60% des commandes d’avions monocouloirs, donc on a un enjeu majeur qui est d’arriver à livrer des avions car la demande est aujourd’hui plus importante que notre capacité à livrer."
Le "hall Jean-Luc Lagardère" est un des leviers majeurs d’Airbus pour répondre à la demande. La nouvelle chaîne d’assemblage compatible sur tous les appareils de la famille A320 pourra aussi produire des A231 XLR, le long-courrier monocouloir dévoilé par l’avionneur toulousain au Bourget en juin, moins énergivore, et dont la demande devrait grimper très rapidement. À terme, 700 employés travailleront sur la ligne d’assemblage qui a vocation à être dupliquée. Grâce à elle et à ses sites de production en Allemagne, en Chine et aux États-Unis, Airbus veut passer de 45 appareils livrés chaque mois aujourd’hui à 75 à l’horizon 2026.