Prud'hommes : limiter les sanctions, un remède pour l'emploi ?

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DROIT SOCIAL - Le gouvernement doit proposer mardi un amendement pour réformer la justice prudhommale.

Si l’économie française commence à redémarrer, cette reprise n’a encore aucun impact sur la courbe du chômage. Le gouvernement tente donc de trouver des solutions et, à ses yeux, "encourager l'activité, l'embauche dans les TPE-PME constitue une priorité pour lutter contre le chômage", comme l'a souligné le ministre du Travail, François Rebsamen. Le Premier ministre Manuel Valls doit donc annoncer mardi une série de mesures en faveur de l’emploi dans les petites et moyennes entreprises (PME). Une relance de l’emploi qui pourrait passer par… une réforme des prud’hommes, et plus précisément par un encadrement des indemnités. Mais en quoi limiter ces indemnités peut-il doper l’emploi ?

Les prud’hommes, une exception française. Chargée de régler les conflits liés à un contrat de travail, , principalement les licenciements contestés, la justice prud’homale à la française est atypique : là où les autres Etats européens confient cette mission à des juges professionnels, la France attribue cette mission à des salariés et des employeurs. Cette méthode se veut plus démocratique mais aussi plus pratique, puisque les juges sont issus du monde du travail et connaissent ses vicissitudes.

Pourquoi vouloir changer le système actuel ? Car ce qui semble opérationnel sur le papier ne l’est plus vraiment dans les faits. Les conseils de prud’hommes sont en effet totalement engorgés et particulièrement lents. Un chiffre résume la situation : une procédure dure en moyenne 15 mois. Et si les parties n’acceptent pas le jugement, le dossier remonte à un magistrat professionnel, une procédure qui dure en moyenne un peu plus d’une année supplémentaire. Le système n’est donc pas satisfaisant et le gouvernement en est bien conscient : en 2013, la France a été condamnée 51 fois pour déni de justice à cause de délais trop importants, rappelle France Culture.

Le patronat y voit une source d’incertitudes excessives. Outre les problèmes de délais, qui concernent autant les employeurs que les employés, la justice prud’homale est plus spécifiquement dans le viseur du patronat pour une autre raison, son imprévisibilité.

Principal reproche, outre des délais longs : l’incertitude sur les montants à régler à l’ancien employé, qui sont très variables d’un cas à l’autre, mais aussi d’un tribunal à l’autre. Cette absence de jurisprudence inquiète particulièrement les employeurs, qui ne savent jamais combien de temps une procédure peut durer et quel montant ils risquent de devoir verser.

Pour les organisations patronales, cette incertitude dissuaderait les employeurs d’embaucher et contribuerait au recours quasi-systématique des contrats de courte durée. Les cas qui dégénèrent sont pourtant peu nombreux mais la crainte de tomber sur l’un d’eux est très partagé chez les employeurs.

Encadrer les indemnités pour plus de prévisibilité. Cette absence de jurisprudence est dommageable à plus d’un titre :en ne pouvant pas s’appuyer sur des cas similaires  déjà jugés, les prud’hommes perdent un temps précieux. Tout comme lorsqu’il s’agit de déterminer le montant des indemnités si l’employeur est condamné, là encore en l’absence d’une jurisprudence.

Le cabinet du Premier ministre veut donc pallier à ce manque en introduisant une "fourchette" d’indemnités. D’autres termes reviennent fréquemment dans la bouche des conseillers de Matignon ("barème", "référentiel", "guide"), mais l’idée reste la même : fixer un montant minimal et maximal.

Comment fixer le montant des indemnités ? Le gouvernement doit préciser ses intentions mardi et les députés pourraient l’amender dans la foulée, mais les grandes lignes sont connues : l’idée serait de mettre au point des critères pour calculer le montant des indemnités.

Un barème qui pourrait prendre en compte l’ancienneté du salarié, son âge et la probabilité qu’il retrouve un emploi. Selon ces critères, l’employé toucherait plus ou moins d’argent. En face, l’employeur pourrait aussi bénéficier d’une proportionnalité : le quotidien Le Parisien évoquait lundi que le montant maximum à régler pourrait dépendre de la taille de l’entreprise. L'indemnisation irait alors de quatre mois de salaire minimum pour les TPE à 18 mois de salaire maximum pour les grandes entreprises.

Une réforme qui ne va pas sans poser problème. Avec un tel barème, la justice prud’homales devrait aller plus vite et les sociétés en conflit avec un employé pourraient mieux anticiper ce qu’elles risquent. Mais pour les syndicats, cette rationalisation risque de se faire au détriment de l’employé puisque l’employeur connaîtrait à l’avance ce qu’il risque dans le pire des cas. Pas idéal en terme de rapport de forces, mais aussi de proportionnalité : dans certains cas, notamment pour les salariés ayant une grande ancienneté, l’amende serait bien moindre que le préjudice subi. Ce qui fait dire à certains syndicats qu’ils n’hésiteront pas à aller devant le Conseil constitutionnel pour contester cette disposition.

 

Les plafonds et planchers des indemnités : ce que le gouvernement a décidé. Selon des informations Europe 1, le gouvernement a retenu deux critères pour délimiter les indemnités : la taille de l'entreprise et l'ancienneté du salarié. Premier cas de figure, la taille de l'entreprise n'excède pas 20 salariés et vous avez moins de 15 ans d'ancienneté. Si votre patron est condamné aux Prud'hommes, il vous versera au maximum six mois de salaires. Si vous avez plus de 15 ans d'ancienneté, ce sera un an de salaire maximum. 

Dans les entreprises comptant plus de 20 salariés, les indemnités seront logiquement plus importantes, avec 10 mois de salaire maximum si l'ancienneté du salarié n'excède pas 15 ans et 20 mois maximum si le salarié a plus de 15 ans d'ancienneté.

 

Concernant les planchers, lorsque l'entreprise condamnée aux Prud'hommes a moins de 20 salariés, l'indemnité minimum sera de deux mois de salaire, de quatre mois si plus de 20 personnes y travaillent.