"C'est un échec pour toute la filière française. Nous avons un problème de qualité industrielle, notre outil industriel nucléaire s'est dégradé au cours des quinze dernières années. Cela traduit un manque de rigueur inacceptable à ce niveau de savoir-faire." Voilà en quels termes peu élogieux le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a parlé des faillites de l'EPR de Flamanville, lundi. Le ministre a étrillé EDF alors que les retards et les surcoûts s'accumulent pour ce réacteur nucléaire dernière génération.
"Les problèmes de compétence industrielle, on les a constatés tout au long de ces années"
Mais pour Bernard Laponche, physicien nucléaire et ancien directeur de l'Ademe, "le réveil de monsieur Le Maire est extrêmement tardif". "On sait ce qui se passe depuis longtemps. L'EPR devait démarrer en 2012", a rappelé le spécialiste, lundi, sur Europe 1. "Qu'on accepte 2013 ou 2014, peut-être, mais on est en 2019." Et l'EPR de Flamanville ne sera pas en service avant 2022 au plus tôt.
Bernard Laponche souligne que "tout ce qui a été dit sur les problèmes de compétence industrielle, on l'a constaté tout au long de ces années". Pêle-mêle : "des défauts dans le béton, ce qui était tout à fait inadmissible, des défauts sur les soudures dès la construction de l'EPR, et j'en passe".
Un mois pour un plan d'action, "ce n'est pas raisonnable"
Bruno Le Maire a donc demandé à EDF de mettre en place un "plan d'action" d'ici à un mois pour remettre la filière nucléaire aux "meilleurs niveaux d'exigence". Mais Bernard Laponche se montre sceptique sur ce délai. "Un mois, ce n'est pas raisonnable." Il estime également qu'il est illusoire de se donner jusqu'à 2021 pour décider ou non de lancer d'autres chantiers d'EPR. "On ne peut normalement pas décider de nouveaux EPR tant que celui en chantier n'a pas fonctionné", estime-t-il. Sur ce point, il est rejoint par la ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne, qui a bien rappelé lundi qu'il fallait attendre le démarrage effectif du réacteur de Flamanville (2022, donc) pour se projeter plus avant. "On peut espérer qu'on arrivera à résoudre les problèmes de béton et de soudure", concède néanmoins Bernard Laponche. "Ou alors, c'est désespérant."