C’est LA mesure phare de son projet. Celle qui lui a permis de se différencier de ses adversaires à la primaire de la gauche. Celle qui a ouvert un débat inattendu sur l’avenir du travail en France. Mais Benoît Hamon est-il en train de trahir l’esprit originel de son revenu universel ? La question se pose au vu des nouvelles précisions apportées ces derniers jours par le candidat socialiste à l’élection présidentielle. Précisions qui ressemblent fortement à un rabotage.
Une première mouture… Retour en janvier. Benoît Hamon est alors en campagne pour la primaire du Parti socialiste et de ses alliés. Guère favori, il se démarque de ses six autres concurrents avec une mesure forte : un "revenu universel d’existence". A l’époque, le candidat propose une mesure appliquée en trois étapes, comme décrites ci-dessous.
Benoît Hamon parlait donc bien d’un revenu versé progressivement à horizon indéfini, à tous les Français, sans conditions de ressources. Mais le revenu universel ne plaît pas à tout le monde, notamment à Manuel Valls. Lors du débat du second tour de la primaire de gauche, l’ancien Premier ministre n’a eu de cesse d’attaquer le projet de Benoît Hamon. Principale critique : son coût supposé exorbitant. L’Institut Montaigne chiffrait alors la mesure à 349 milliards d’euros quand elle serait entièrement mise en place, soit 49 milliards de plus que ne l’envisageait Benoît Hamon à l’époque.
… modifiée une première fois… Un coût non-négligeable (environ 13% du PIB actuel) qui effraie à droite, mais aussi à gauche. Résultat, à quelques jours du second tour de la primaire, la mention à "une somme de 750 euros", à terme, disparaît du site de campagne de Benoît Hamon. A la place, une "conférence citoyenne" devra permettre de "fixer le périmètre du revenu universel".
… puis une deuxième fois. Constatant cette modification, de nombreux médias font alors mention d’un rétropédalage du candidat. Benoît Hamon nie. Mais dans la foulée de ces remarques, la proposition du candidat socialiste est à nouveau modifiée. Paradoxalement, son site de campagne mentionne désormais une conférence citoyenne pour fixer le montant du revenu universel… et un montant annoncé de 750 euros.
Conditions de ressources. Le projet de revenu de base de Benoît Hamon est resté sous cette forme durant tout le début de sa campagne présidentielle, en février. Mais depuis le début du mois de mars, des déclarations du candidat et de membres de son équipe, donnaient à croire qu’il comptait réviser son plan. Le 3 mars, Benoît Hamon affirmait sur RMC vouloir aider "ceux qui ont un revenu modeste". Mardi, Julia Cagé, économiste membre de son équipe, affirmait dans Les Echos qu’il y aurait bien un "revenu mensuel garanti à tous les Français quels que soient les incidents de la vie", tout en reconnaissant que "ce n'aurait pas de sens de donner à Liliane Bettancourt 600 euros pour lui reprendre de l'autre main par une hausse d'impôts".
Un revenu plus vraiment universel. Une clarification était attendue et Benoît Hamon a profité de son passage à L’Emission Politique, sur France 2 jeudi, pour faire une mise au point. Il a d’abord tenu à préciser qu’il ne s’était engagé que sur la première étape de son projet de revenu universel, à savoir une augmentation du RSA à 600 euros, une automatisation du versement aux ayant-droits et aux jeunes. Mais il ajoute à présent une condition de ressources : "Je propose que l’ensemble des salariés et des 18-25 ans perçoivent un revenu universel qui sera de 600 euros quand on a rien et dégressif jusqu’à 1,9 SMIC". Autrement dit, tout le monde ne touchera pas un revenu complémentaire de 600 euros, comme suggéré dans un premier temps. Idée déjà évoquée par Benoît Hamon lui-même dans une interview à Libération le 6 janvier. Il mentionnait alors un éventuel plafond à 2.000 euros.
Conclusion : Benoît Hamon a bel et bien modifié sa vision du revenu universel… puisqu’il n’est plus vraiment universel. D’abord car tous les 18-25 ans ne seront pas concernés, comme Benoît Hamon l’a lui-même confirmé avec une formule de son cru, prononcée : "Si vous sortez d'HEC et que vous êtes à 3 000 euros, vous êtes au-dessus de 1,9 Smic.". Ensuite car, avec cette condition de ressources, tous les Français ne toucheront pas les 600 euros. D’après les données Insee de 2013, 69% des salariés gagnent moins que 2.190 euros nets par mois, soit 1,9 Smic net. Théoriquement, un salarié sur trois ne touchera pas un centime du revenu de base. Benoît Hamon assure, quant à lui, que "80 % des salariés verront un gain net sur leur salaire".
Coût de 35 milliards d’euros. Résultat, le coût de ce "revenu universel conditionné" – assez proche d’une prime d’activité – de 600 euros au lieu de 750 euros, tombe, selon Benoît Hamon, à 35 milliards d’euros. Un chiffrage qui coïncide avec l’estimation de l’Institut Montaigne. Sur la base de la proposition initiale du candidat, le think tank avait chiffré entre 32 et 44 milliards le versement automatique d’un RSA de 600 euros à tous les ayant-droits et à l’ensemble des 18-25 ans.