Lors de sa conférence de presse de présentation de ses conclusions à l'issue du "grand débat national", le président de la République pourrait évoquer jeudi le principe de "travailler plus". Une annonce qui pourrait se traduire par la proposition d'un allongement de la durée de cotisation pour la retraite ou la suppression des 35 heures hebdomadaires.
Pour Mathieu Plane, économiste à l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), et Frédéric Micheau, directeur du département Opinion et politique d'OpinionWay, invités de l'émission Le Tour de la question jeudi, sur Europe 1, la question de la limitation de la durée de travail est déjà dépassée dans les faits.
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Les 35 heures sont déjà rarement respectées
Selon une consultation sur la page Facebook d'Europe 1 à laquelle 12.000 personnes ont participé, 62% des contributeurs se déclarent contre une suppression des 35 heures. La plupart des commentaires évoquent d'ailleurs une durée du travail hebdomadaire qui respecte rarement cette loi. "Une très courte majorité de Français déclare travailler exactement le nombre d'heures mentionné dans leur contrat de travail", confirme Frédéric Micheau au micro de Wendy Bouchard. "Dans les faits, les 35 heures sont déjà dépassées. On voit qu'on est de plus en plus dans un rapport au travail individualisé, à la carte. C'est le cas avec le développement du télétravail et des outils numériques. L'idée d'un travail bien délimité par des horaires est très largement derrière nous", observe-t-il.
Non, les Français ne travaillent pas moins que les autres
Selon les deux spécialistes invités, la critique faite aux Français selon laquelle ils ne travaillent pas suffisamment n'est pas justifiée. "La France n'est pas un pays qui travaille peu", assure Mathieu Plane. L'économiste précise que "la durée moyenne de temps de travail d'un Allemand, par exemple, est inférieure à celle d'un Français. Et le pays qui travaille le plus [en Europe] est la Grèce, donc on ne peut pas lier la durée du travail avec la performance."
Si le temps de travail effectif en France diffère peu de celui des autres pays européens, "ce sont plutôt les niveaux d'emploi qui diffèrent. C'est le nombre d'heures travaillées tout au long de la vie qui peut poser problème", renchérit Mathieu Plane. Car en France, "on entre tard sur le marché du travail et on en sort tôt." Les questions sous-jacentes sont celle de l'emploi des jeunes et celle des seniors, invités à travailler plus longtemps et qui ne libèrent pas, de facto, des postes pour ceux qui cherchent à s'insérer sur le marché du travail.
Un arbitrage à rendre entre la compétitivité et le pouvoir d'achat
Pour Mathieu Plane, il faudrait rendre un arbitrage entre la nécessité d'être compétitif et celle d'augmenter le pouvoir d'achat des Français. "Si on fait le choix d'augmenter la durée légale, on va moins rémunérer le travail supplémentaire. C'est un argument de compétitivité car on baisse le coût du travail. Mais cela se fait au détriment des salariés" qui travaillent plus en gagnant le même salaire. Pour augmenter le pouvoir d'achat des actifs, il faudrait augmenter les salaires. La défiscalisation des heures supplémentaires, mise en place par Nicolas Sarkozy et supprimée par François Hollande, pourrait être une solution mais celle-ci a un coût. "La baisse du temps de travail est un enjeu politique extrêmement fort pour les Français", conclut le spécialiste des sondages Frédéric Micheau.
Selon un sondage publié par Le Journal du dimanche, un peu plus de la moitié des Français (54%) sont opposés à l'ambition d'Emmanuel Macron de "travailler devantage" en France.