Dans Historiquement Vôtre, Clémentine Portier-Kaltenbach vous raconte le parcours de Benedict Arnold (1741-1801), un général américain devenu l’incarnation du traître à la nation aux États-Unis pour avoir prêté allégeance aux Britanniques en pleine guerre d’indépendance.
Si Benedict Arnold est considéré comme le traître américain par excellence, c’est parce qu’en pleine guerre d’indépendance des Etats-Unis, il changea d’allégeance, passant du service des Américains aux tuniques rouges des Anglais.
Il le fit de façon assez grave, caractérisée par des activités de renseignements et en acceptant, contre de l’argent, de livrer aux Anglais la forteresse de West Point, une place forte stratégique dont le commandement lui avait été confié. Tout aussi grave, il commanda, en 1781, auprès des Anglais et contre ses anciens frères de combat, une légion américaine qui était passée côté anglais.
Les talents d'un meneur d'hommes
Pour les historiens, le cas Benedict Arnold est une figure qui n’a jamais cessé de déchirer. Traître, ou pas ? Les qualités tactiques, les choix stratégiques, l’engagement personnel tout comme les qualités de meneur d’hommes d’Arnold sont indiscutables. De ce point de vue, il est reconnu comme un homme qui avait les talents d’un Washington : il était adoré et admiré par les hommes, dont il exigeait beaucoup.
Benedict Arnold était aussi une véritable tête brûlée. Dès 1775, il s’engage très sincèrement et intégralement pour les libertés coloniales. Il prend des forts le long de l’Hudson, s’illustre dans une série de raids contre les Anglais… Pour le remercier, le Congrès lui offre un superbe cheval d’apparat, qu’il met à profit dans la victoire décisive de Saratoga, les 19 septembre et 7 octobre 1777. Dans les premières années de guerre d’indépendance des Etats-Unis, Arnold est l’un des esprits dominants de l’armée américaine, c’est la figure du héros. Mais il existe tout de même une petite faille…
La trahison de West Point
La première fracture a lieu quand il se brouille avec plusieurs figures du commandement, estimant qu’on ne le récompense pas suffisamment de ses mérites. L’autre fragilité du personnage est sa tendance à mélanger affaires militaires et financières, notamment quand il prend un poste de commandement à Philadelphie. L’histoire familiale joue pour beaucoup : son père était un marchand qui a fait faillite avant de sombrer dans l’alcool.
En 1781, il obtient de George Washington, qui le tient en aussi haute estime que La Fayette et lui fait entièrement confiance, le commandement de West Point, l’un des verrous de la colonie de New-York. Au même moment, l’anglais Henry Clinton lui fait savoir qu’il lui propose une très grosse somme d’argent pour capituler et lui livrer West Point.
Lorsque Benedict Arnold accepte, il devient, dans les papiers secrets anglais, l’espion Gustavus Monk. Malheureusement pour lui, peu de temps après, son agent de liaison, un certain major André, est arrêté par des troupes américaines et on trouve sur lui tous les documents qui désignent Arnold comme étant devenu un agent anglais.
Ces documents sont immédiatement apportés à George Washington, qui était sur le point d’arriver à West Point pour y retrouver son grand ami Arnold. Mais ce dernier, ayant appris l’arrestation de son agent de liaison, parvient à s’enfuir quelques heures avant l’arrivée de Washington.
Il embarque sur un navire anglais, où le rejoindront plus tard sa femme et ses enfants. Le jeune agent de liaison, le major André, un Anglais d’origine française, fut pendu. Benedict Arnold, quant à lui, participa activement à d’autres batailles aux Etats-Unis, du côté des Anglais, avant d’être rappelé en Angleterre.
L'exil en Angleterre
Il chercha bien sûr à se justifier de ses actes, l’histoire le plaçant du mauvais côté de la bataille. Il déclara plus tard qu’il était partisan d’une paix de compromis et d’un retour des Américains dans le giron anglais, mais libres de leurs affaires et de certains choix politiques et juridiques. Ce point de vue était d’ailleurs partagé par de nombreux Américains qui trouvaient l’idée de l’indépendance un peu hasardeuse et ne voyaient pas de problème à rester sous le giron anglais en échange d’une liberté commerciale accrue.
C’est cette hésitation sur l’indépendance du nouvel Etat qui explique le geste d’Arnold. Dans la proclamation qu’il adresse aux Américains en 1780, il explique tout de même sa frustration de n’être pas assez remercié et récompensé pour ses services…
En Angleterre, il est reçu par George III et on le consulte sur les affaires américaines jusqu’à leur terme en 1783. On lui également donne des terres et des domaines au Canada. Mais c’est dans le discrédit de sa terre de naissance, dans une suite de duels scandaleux, d’affaires commerciales malheureuses et d’un procès de misère soutenu par sa famille, sans amis, qu’il termine sa vie, au terme de 21 ans d’exil anglais à Londres. Il meurt le 14 juin 1801.