En 1685, le roi Louis XIV (1638-1715) révoque l’édit de Nantes qui avait instauré la paix religieuse entre protestants et catholiques. Désormais, l’exercice du culte protestant est interdit, les pasteurs sont bannis et les enfants sont baptisés de force dans la foi catholique. Mais alors que des milliers de protestants fuient le royaume, la résistance s’organise… La jeune Marie Durand (1711-1776) est de ceux qui refusent de renoncer à leur foi.
Marie Durand est l’une des figures emblématiques de la résistance à l’intolérance religieuse après la révocation de l’Edit de Nantes. Ce fameux édit a été voulu par Henri IV, élevé comme protestant et converti plusieurs fois au catholicisme. « Paris vaut bien une messe », est d’ailleurs l’une de ses citations les plus célèbres. Il avait instauré la paix religieuse en autorisant les protestants à pratiquer librement leur culte.
Mais voilà, son petit-fils Louis XIV, en 1685, annule l’édit de Nantes et donc tous les droits que les protestants s’étaient vus octroyer. Leurs droits et libertés sont désormais abolis : l’exercice du culte est interdit, les pasteurs sont bannis, les enfants sont baptisés de force dans la foi catholique… L’une des grandes facéties de Louis XIV a même été d’émanciper les enfants protestants à l’âge de sept ans afin de pouvoir les convertir au catholicisme contre l’avis de leurs parents…
Après la révocation de l’édit de Nantes, des milliers de huguenots quittent la France. D’autres refusent de renoncer à leur foi et se soulèvent contre le roi dans une guérilla qui est entrée dans l’histoire sous le nom de « guerre des Cévennes », ou « guerre des Camisards ». Cette guerre s’est essentiellement déroulée dans les Cévennes et en Ardèche et a eu son héroïne : Marie Durand.
Marie Durand, arrêtée après la fuite de son frère
Marie Durand est née le 15 juillet 1711, non loin de Privas dans un petit hameau du Vivarais. Sa famille est une famille protestante typique de l’époque : on lit la Bible quotidiennement mais on la cache soigneusement car on n’a pas le droit de lire la Bible en français. On retrouve parfois ces vieilles bibles qui sont toutes aplaties parce qu’elles ont été tassées dans des coins.
Marie a un frère de onze ans de plus qu’elle, Pierre, qui va devenir prédicateur et organiser des assemblées clandestines. En 1719, il a dix-neuf ans, il est dénoncé par un voisin et l’assemblée qu’il a organisée est surprise par les Dragons, les soldats du roi (d’où le nom de « dragonnades » pour désigner les arrestations et persécutions de protestants à cette époque).
Le frère de Marie devient l’un de ces pasteurs clandestins itinérants que l’on qualifiait alors de pasteur au désert, car ils se vivent dans l’analogie au peuple juif, aux hébreux qui ont été chassés d’Egypte par Pharaon et qui errent dans le désert pendant 40 ans.
Pierre va échapper aux recherches pendant des années. Mais puisqu’on ne parvient pas à le trouver, on se rabat sur sa famille. On arrête d’abord son père, puis sa sœur, puis le mari de sa sœur. Le malheureux Pierre sera finalement arrêté et pendu le 22 avril 1732, à Montpellier.
Des femmes de tous les âges
Lors de son arrestation, Marie a dix-neuf ans, elle est emmenée à la tour de Constance, à Aigues-Mortes. C’est une prison qui, depuis 1715, est réservée à la détention perpétuelle des femmes. Elle arrive dans cette tour sinistre, il y a déjà 28 femmes incarcérées.
Qui sont-elles ? Des femmes du peuple, tout simplement, qui ont appris à lire la Bible et qui ont la foi chevillée au corps. Certaines d’entre elles sont un peu exaltées, on les appelle des prophétesses. Mais toutes pleurent un être cher : un père, un mari ou un fils, condamnés aux galères à vie pour avoir refusé d’abjurer leur foi. Elles sont rasées, dépouillées de toute possession, nourries au pain et à l’eau, elles dorment sur une pauvre paillasse et l’été, endurent les fortes chaleurs, la soif et les fièvres du marais. L’hiver, au contraire, il y fait très froid.
Ces femmes ont tous les âges. Espérance Durance, par exemple, est morte entre les murs de la prison à 86 ans. Catherine Goutez n’a que six mois quand elle est incarcérée avec sa mère, elle ne ressort qu’à l’âge de 17 ans.
"Résister", gravé sur les pierres de la tour
Un seul mot et ces femmes pourraient être libres : « J’abjure », autrement dit « je renonce à la foi protestante ». Ce mot, jamais Marie Durand ne le prononcera. Sa persévérance et sa résignation lui donnent un grand ascendant sur ses compagnes, elles se donnent du courage pour ne pas abjurer. Elle va rester 38 longues années entre les murs de la tour de Constance, dont elle ne sera libérée que le 14 avril 1768.
Tout au long de sa captivité, elle a été une âme forte inébranlable auprès de ses compagnes d’infortune, les encourageant et leur rappelant chaque jour le sens de leur combat. C’est sans doute pour ça que la tradition tient Marie Durand pour l’auteur de ce mot qui est gravé dans la margelle d’un puits de lumière placé au centre de la prison : « Register », ce qui, en patois du Vivarais, veut tout simplement dire « Résister ».