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Qui était Lucy, notre parente âgée de plus de 3 millions d'années ? D'où vient son nom ?

Portrait de Lucy

 

Une branche qui craque. Une espèce de petite femme singe qui tombe d’un arbre. Une chute fatale d’une douzaine de mètres. Un accident au milieu de la savane africaine, il y a 3 millions 180.000 ans et quelques. Une mort qui n’émeut personne à l’époque. Normal. Il n’y a personne sur terre. Le premier homme du genre n’est pas né. La Préhistoire, telle qu’on nous l’apprendra bien plus tard à l’école, n’a même pas encore commencé. Le cadavre de cette drôle de petite femme singe va donc rester là. Au pied de cet arbre. Aux alentours, on entend les cris de ses congénères, des hurlements de plus en plus forts à l’approche des premiers charognards : les hyènes, qui rôdent déjà dans cette partie de l’Afrique de l’est, qui deviendra des milliers de millénaires plus tard, le berceau de nos premiers ancêtres. 

 

De l’Homo Erectus à l’Homo-Sapiens, la chaîne est encore floue et les fossiles plein de mystères. Du Paléolithique au psychédélique. La grande évolution de notre espèce. L’homme passé du silex à la guitare électrique. Des onomatopées primitives à une chanson des Beatles qu’écoutent un petit groupe de paléontologues un jour de novembre 1974, quelque part dans la Vallée de l’Awash, un coin perdu en Ethiopie. "Lucy in the sky with diamonds". Lucy au ciel avec des diamants. Par terre : des ossements, les restes d’un squelette vieux de 3 millions 180.000 ans et quelque. Le plus vieux et le plus complet jamais découvert. Les hyènes n’ont pas tout boulotté. Un trésor venu du fond des âges.

 

Des morceaux de crâne, des vertèbres, une mandibule, des bouts de fémur et de bassin. 52 fragments remarquablement conservés, composant à 40% le squelette d’une toute petite créature d’1m10/1m15, pesant une vingtaine de kilos. Un australopithèque… Une étrange créature entre l’homme et le singe. Un primate qui vivait en groupe. Une espèce, pas très poilue, qui marchait déjà debout mais qui grimpait encore aux arbres. Un bipède apparu à la croisée des branches humaines et animales. Un parent aussi lointain qu’original dans l’arbre généalogique, archi-complexe, de l’homme… Un parent très éloigné ou plutôt une parente. Pour Yves Coppens, Donald Johanson et Maurice Taieb, les 3 découvreurs du trésor, il ne fait aucun doute, ce jour de novembre 1974, que les 52 os qu’ils viennent d’exhumer et de reconstituer façon puzzle, appartenaient à une jeune femelle australopithèque, un petit bout de femme-singe, âgée d’une vingtaine d’année.

 

Comme eux ce jour-là. On l’imagine. On la voit. Toute fluette. Sa silhouette gracieuse. Ses petits seins émouvants. Ses mains presque humaines. On oubliera ses traits simiens et sa mâchoire prognathe. Son cerveau minuscule, son air idiot et sa ressemblance avec certaines personnes de notre connaissance. On ne fera pas attention non plus à ses bras plus longs que ses jambes. Les uns s’étant peut-être pris dans les autres, avant sa chute. Les débuts compliqués de la bipédie. Personne ne rigolera. On ne verra que son regard. Infiniment touchant. Cette petite femme singe tombée de l’arbre. Les Beatles dans le magnétocassette. Lucy in the Sky, dans la chaleur du Rift Africain. Lucy pour l’histoire. Lucy à jamais...

Texte de Marc Messier

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