L'histoire du jour - Jacques Fesch, braqueur condamné à mort, en instance de béatification

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Marc Messier nous brosse ce dimanche le portrait de Jacques Fesch, braqueur condamné à mort qui trouva Dieu dans un cachot. Il sera peut-être un jour béatifié.

Un coup de feu qui claque, un couperet qui tombe, l’histoire édifiante d’un garçon qui rêvait des mers du sud et qui trouva Dieu dans un cachot, avant de mourir 1954, l’hiver est froid, la France encerclée en Indochine, de Gaulle enfermé à Colombey. Boris Vian écrit le Déserteur, Françoise Sagan Bonjour Tristesse, les cigarettes sont américaines et le jazz est cool. Personne ne connait Jacques Fesch, un jeune homme de 24 ans bien né et complètement paumé. Un jeune homme immature, gâté pourri,  qui ne sait pas quoi faire de sa vie. Un désoeuvré qui ne pense qu’à flirter et faire la java. Sa famille a de l’argent, son père est banquier, cynique et collectionneur de timbres. Sa mère est pieuse et pas drôle, elle adore son fils, mais ne lui montre jamais. L’ambiance est oppressante dans l’hôtel particulier de la famille à Saint-Germain en Laye.

Jacques n’a pas encore 21 ans, qu’il est déjà marié. Une réparation, comme on dit à l’époque. Elle s’appelle Pierrette, un coup de cœur sur une banquette arrière, une grossesse, une petite fille, Véronique, que Jacques connaitra à peine. Un mariage que Monsieur et Madame Fesch vivront "comme une malédiction" selon leur expression. Leur bru a une tare : Son père Léopold Polack est juif. Insupportable pour Madame Fesch qui promet un million de francs à son fils s’il divorce.

Jacques n’a pas de morale et toujours besoin d’argent. Il quittera Pierrette et s’achètera une Simca décapotable rouge, avec des sièges en cuir vert, rapidement patinés par les dos nus de ses nouvelles conquêtes. Dans le lot, une certaine Thérèse, qui n’a pas 18 ans, une nuit d’ivresse et de plaisir pendant l’automne 53. La jeune fille accouchera "sous X" neuf mois plus tard d’un petit Gérard qu’elle abandonnera à l’Assistance Publique et qui passera sa vie à rechercher sa mère et découvrir l’identité de son père.

Jacques Fesch, le beau gosse blond, "le Flibustier", comme il aime se faire appeler lors de ses noubas  germanopratines. Jacques et sa voiture de minet, sa Simca à Filles qui ne peut pas l’emmener jusqu’au bout de ses rêves. Il a envie de fiche le camp. Loin, très loin. Le Pacifique, les iles enchanteresses. Les terres à jouir de Gauguin. 

Pour aller là-bas, il lui faut un bateau. Jacques va en trouver un : un voilier blanc, un sloop de 10 mètres qui mouille à la Rochelle. Il coute deux millions de francs. Pour une fois, ses parents refusent de céder à son caprice. Pour une fois Jacques s’accroche à quelque chose. Au bastingage de son rêve. Pour trouver l’argent, il va faire un coup, il va braquer un agent de change de la Rue Vivienne à Paris, Monsieur Silberstein, une relation d’affaire de son père.  Son premier pas vers l’échafaud.                                        

Le 25 février 1954, en fin d’après-midi, il fait froid, Jacques Fesch entre chez l’agent de change et le braque avec un pistolet qu’il a dérobé à son père. Un petit calibre, un 6.25, avec lequel il cogne méchamment le commerçant. Il s’empare des 300.000 francs que contient la caisse et détale. L’agent de change se relève, hurle. Il y a des témoins, Fesh court comme un fou,  tremblant, haletant, affolé. Au pied d'un immeuble du quartier, un agent de police André Vergne tente de l'interpeller, Jacques Fesch est myope, droitier, gauche et apeuré. Il tire au piff, l’agent de police meurt sur le champ, atteint d'une balle en plein cœur. 

L’Abbé Pierre lance son appel,  le Vietminh est tout près. Le braquage de la rue Vivienne n’est  qu’un fait divers. Jacques Fesch est jeté en prison en attendant son procès. Trois années d’ombres et de lumière. Les ombres des murs, des gardiens, de l’homme qu’il a tué, l’ombre de sa vie. Et puis,  la Lumière. Celle qui va progressivement imprégner sa cellule et son esprit. La vie des Saints, l’Histoire de Jésus au fil de la Bible. Une lumière qui va devenir de plus en plus éclairante, de plus en plus apaisante, Dieu avec lui entre quatre murs. Il écrira des centaines de pages pour parler de cette rencontre singulière puis évidente. Des écrits plein de vérité et de douceur qui seront vendus à des dizaines de milliers d'exemplaires après sa mort. 

Le procès de Jacques Fesch durera trois jours en avril 1957. Dans sa plaidoirie, son avocat parlera d’un être que le hasard a piégé dans une action tragique. Aucune excuse, il sera condamné à mort. Le Président Coty refusera de le gracier. La veille de son exécution, il aura ces mots "Dans quelques heures, je vais voir Jésus". Le 1er octobre 1957 à 5h22 du matin, le jeune homme, âgé de 27 ans sera extrait de sa cellule,  huit minutes plus tard, André Obrecht, l’avant dernier bourreau de France actionnera la guillotine. Le corps de Jacques Fesch repose dans le caveau de sa belle-famille, les Polack, que ses parents antisémites, détestaient tant. Jacques Fesch ou l’histoire extraordinaire d’une rédemption, celle assassin, assis sans doute un jour parmi les Saints.