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Tous les samedis et dimanches, Vanessa Zhâ et Marion Sauveur nous font découvrir quelques pépites du patrimoine français. Direction aujourd'hui le Sud de la France pour visiter le département du Gard. 

Ce matin, on part en balade dans le Gard. La truffe prend ses quartiers sur les étales des marchés et en particulier celles d’Uzès, Vanessa Zhâ. 

Et c’est par cette place du Marché, la Place aux herbes, que nous allons commencer justement par découvrir la ville. Cette place est centrale dans l’histoire d’Uzès depuis que les marchés s’y tiennent en 1355 officiellement (même si l'on sait que cela existait bien avant). Toutes les demeures et hôtels particuliers qui entourent la place datent de la Renaissance ou du 17e/18e siècle. C’était au départ les maisons des anciens marchands. Ils avaient pignon sur place, avaient leurs échoppes au rez-de-chaussée, et les jours de marché, ils pouvaient s’abriter de la pluie sous les arcades.

Elle a toujours porté le nom de Place aux herbes ?

Presque. Evidemment les remous de l’histoire sont passés par là. On a eu le droit à la Place royale, Place de la république, et un nom un peu moins sympathique : "la Place du costel (ou du constelle), au Moyen âge", explique Emeline Garnier, guide conférencière. "C'est une place où se trouvait une espèce de pilori, un grand mât où l'on pouvait y exposer, les jours de marchés, les vilains qui avaient fauté." 

Cela devait trancher au milieu des tomates. 

Des fleurs surtout. De toutes ces "herbes", tout ce qui sortait de terre. Tout l’alimentaire sur la place, et le reste dans les ruelles. Ce qui est toujours le cas le samedi. Alors à l’époque, on ne vendait pas de vêtements ou des livres mais plutôt des boeufs, de la viande comme dans la rue Boucarier, des châtaignes près de l’hôtel de l’Ange. Vous aurez compris le message : baladez-vous dans les ruelles, regardez les noms de rue.

En plus, c’est une ville qui invite a la flânerie. Elle a des petits airs d’Italie. D’ailleurs, quand vous apercevrez la tour Fenestrelle, cela vous fera sourire : elle penche comme la tour de Pise. Et puis, il y a ce coté très noble. Dès que vous arrivez par la route, le decor est planté. On aperçoit les tours du duché qui dépassent au-dessus des toits de tuiles. Uzès était un duché, même le premier duché de France. Il faut absolument monter à la tour du duché, il offre un panorama à 360 degrés sur la ville.

D’autres suggestions ? 

Le jardin médiéval et ses 450 variétés de plantes potagères, ornementales mais aussi médicinales. Et puis le Palais Ducal, pour rembobiner l’histoire du Duché, et surtout sa spécialité : les bas de soie. Pour la petite histoire, le Palais Ducal a été construit sur l’ancien Castrum romain et est tenu par la même famille depuis 1572 : les Crussols d’Uzès.

Et si on sort d’Uzès ? 

Coté village, il y a Lussan : un très beau village avec de la pierre dorée. Quand vous vous baladez le long des remparts, vous avez une vue hallucinante sur les Cévennes jusqu’au mont Ventoux. Et puis le pont du Gard : 49 mètres de hauteur, trois rangées d’arches superposées, l’une sur l’autre. C’était une prouesse technique à l’époque, à tel point que les Romains venaient en touriste rien que pour l’admirer. Sachez qu’à certains moments de l’année, on peut visiter la canalisation par laquelle passait l’eau l’autrefois. Attention, il faut baisser la tête : il n'y a 1 m 60 de hauteur. 

Côté hébergement ? 

Ambiance mon hôtel est un village : le Vieux Castillon à Castillon-du-Gard : 18 maisons en vieilles pierres restaurées en hôtel. On s’y sent comme dans un cocon chez soi. Sinon, plus insolite, pas très loin d'Uzès, la Tour Sarrasine : très simple, très peu de chambres blanches épurées dans une ancienne tour.

Côté assiette, Marion Sauveur, qu'est-ce qu'on mange en ce moment dans le Gard ?

C'est la pleine saison d'un champignon et pas n'importe lequel : le diamant noir, la tuber melanosporum, la truffe. C’est celle qu'on appelle communément la truffe noire du Périgord. Dans le Gard, on produit chaque année entre trois et cinq tonnes de truffes noires. On est dans le triangle de l’or noir : triangle constitué avec la Drôme et le Vaucluse.

Il faut creuser pour la trouver !

C'est un champignon souterrain. On le trouve au pied des chênes truffiers. Il va apporter des sels minéraux à l’arbre qui en échange lui fournira des sucres résultant de la photosynthèse. La truffe va apparaître au printemps (il lui faut un printemps humide), elle va se développer durant l'été (avec un peu d’eau) et atteindre sa maturité en hiver (hiver doux). Aujourd'hui, on trouve très peu de cette truffe noire du Périgord en milieu naturel : 80% des truffes sont produites et donc issus de plantations de chênes truffiers.

Les trufficulteurs partent à la recherche de ces truffes. Autrefois avec le cochon truffier, aujourd'hui ce sont des chiens qui sont dressés pour humer ce parfum de truffe et déterrer le champignon. C'est un jeu pour eux et en échange de leur trouvaille, ils gagnent une récompense : une croquette, du fromage ou du pain. Il faut un bon odorat ! 

C’est maintenant qu’on peut l’acheter fraîche ? 

Oui ! Janvier, c'est la meilleure période pour consommer de la truffe fraîche. Elle a atteint sa pleine maturité. Même si cette année elle a pris un petit peu d'avance (si vous avez eu la chance de manger de la truffe pendant les fêtes, vous avez dû déguster une truffe bien plus goûteuse que les autres années). Mais si vous achetez de la truffe fraîche en ce moment, vous aurez un champignon de qualité exceptionnel. 

Et c'est d'ailleurs en ce moment que se déroulent les différents marchés de la truffe ouverts aux particuliers. Si vous êtes dans le Gard, ne loupez pas le marché du 31 janvier, dans une semaine, à Uzès. Vous y trouverez des truffes fraîches de premier choix, pas abîmés, ni coupées en morceaux. Vous pourrez même acheter des plans mycorhizés pour vous lancer dans la culture de la truffe. Mais il vous faudra un peu de patience avant la première récolte. 

Comment fait-on pour la choisir ?

On ouvre grand les yeux. Ecoutez les conseils de Louis Teulle, président du syndicat des producteurs de truffes du Gard. "Il faut qu'une truffe soit relativement ferme. Il faut la sentir et surtout qu'elle soit brossée. En temps de covid, il faut faire confiance à son trufficulteur parce qu'on n'a pas le droit de toucher et de sentir. Il faut exiger que devant vous, il canife le champignon des deux côtés pour bien voir la couleur de la chair : il faut qu’elle soit bien noire avec de petits filaments blancs à l'intérieur. Et là on est sûr d'avoir une truffe de qualité." 

Le problème avec la truffe, c’est son prix.

Cette année, avec la crise économique et les restaurants fermés, les prix sont plus attractifs. L'an dernier à cette même période de l'année, il fallait débourser 1.200 € pour un kilo de truffes contre 800 € en moyenne cette année.

Rassurez-vous, il n'est pas nécessaire d'acheter un kilo de truffes pour parfumer vos plats. Avec 30 grammes de truffes, vous pourrez faire des merveilles et ça vous coûtera moins de 30 €. La truffe peut se conserver huit à dix jours au réfrigérateur dans un papier absorbant. Et on peut même la congeler dans du riz pour absorber l’humidité. 

Comment on la cuisine ensuite ? 

Dans le Gard, la spécialité c'est la brandade de morue. On peut réaliser une brandade à la truffe c'est tout simple.  

 

Ingrédients 

  • 800 g de morue, de préférence séchée au sel et en morceaux épais
  • 1/4 de litre d'huile d'olive
  • 1/4 de litre de lait

 

On commence par faire dessaler la morue au moins 24 heures à l'avance. L'important est de changer l'eau durant cette journée au moins quatre fois. On la poche ensuite doucement dans une grande casserole d'eau : il faut que la morue soit bien recouverte d’eau et que l’eau soit froide. A feu moyen, il faut que la chaleur monte tout doucement jusqu'au frémissement. Elle va devenir tendre au bout de quinze minutes.

On enlève la morue de la casserole. On retire les arêtes et on l’effeuille avant de l’écraser avec une fourchette. On ajoute petit-à-petit de l'huile d'olive, avant de rajouter un peu de lait. On va obtenir une pâte. C'est à ce moment-là qu'on ajoute de la truffe râpé ou en lamelles. Cette brandade étalée sur du pain grillé à l'apéritif c'est juste parfait. On peut ajouter par-dessus quelques rondelles de truffes. 

D’autres idées ? 

L'un de mes plats fétiches et régressif ce sont les coquillettes au jambon et à la truffe. C'est tout simple à faire. Faites revenir vos coquillettes dans un peu de beurre dans une poêle. Quand elles sont bien dorées, vous ajoutez une louche de bouillon bien chaud et vous laissez cuire un petit frémissement comme le risotto. Vous rajoutez des louches dès que les pâtes ont absorbé le bouillon. Quand elles sont cuites, vous ajoutez deux belles cuillères de crème fraîche, dans laquelle vous aurez fait infuser votre truffe finement râpée. On n’oublie pas le jambon coupé en petits cubes et vous passez à table. 

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Avec la truffe, j'adore réaliser une brouillade d’œufs. Il faut s’y prendre quelques jours en avance. Il faut laisser la truffe deux ou trois jours dans une boîte hermétique au réfrigérateur avec les œufs. Avec leur coquille poreuse ils vont s'imprégner de cette truffe. 

Ensuite, vous allez réaliser votre brouillade. Faites cuire vos œufs dans une casserole avec du beurre au bain-marie. Vous les battez légèrement, et au moment où la cuisson s'accélère, vous ajoutez un dernier œuf et vous retirez du feu. Un peu de crème et vous n'avez plus qu'à passer à table. Vous pouvez râper un petit peu de truffe par-dessus mais vous n'êtes même pas obligés puisque les oeufs seront imprégnés déjà du champignon.

Une dernière idée de recette : le beurre truffé. L'idéal est de prendre du beurre aux cristaux de sel. Ce beurre, vous le laissez plusieurs heures à température ambiante. Quand il sera bien mou, râpez votre truffe dessus, mélangez le beurre et le champignon, et placez ensuite au frais pendant au moins deux heures. Vous pouvez aussi congeler ce beurre truffé. C'est délicieux sur des tartines en apéritif ou sur des coquillettes avec du jambon.