Procès Bettencourt : la "démence" de la milliardaire examinée

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Noémie Schulz avec Chloé Pilorget-Rezzouk et AFP , modifié à
L'état de santé de Liliane Bettencourt a été examiné avec l'audition des médecins-experts, lundi. 

C'est la question qui sous-tend toute l'affaire depuis son commencement, en 2007. Lors des faits qui sont reprochés aux dix prévenus soupçonnés "d'abus de faiblesse" à l'encontre de  Liliane Bettencourt, celle-ci était-elle en pleine possession de ses facultés mentales ?  Lundi, à l'ouverture de la quatrième semaine de procès, les médecins arrivés à la conclusion que la riche héritière souffrait d'une démence sénile ont donc été entendus par le tribunal correctionnel de Bordeaux. 

Une "démence" sénile. C'est sur demande du juge d'instruction bordelais Jean-Michel Gentil que les experts entendus - deux neurologues, un médecin ORL, un psychologue, placés sous la direction de Sophie Gromb, médecin légal - s'étaient rendus le 7 juin 2011 au domicile parisien de la milliardaire, alors âgée de 88 ans. Ce matin-là, quand le juge se présente sans avoir pris rendez-vous, il est à peine huit heures. L'octogénaire est encore au lit. A peine réveillée et stressée par cette visite surprise, elle va répondre aux questions des médecins durant plus de deux heures. Mais elle entend très mal et n'a pas eu le temps de mettre ses appareils auditifs. Son infirmier de l'époque, Alain Thurin, lui répète donc en criant la plupart des questions. Des conditions d'expertise que les avocats de la défense ont toujours dénoncées : "Elle a 88 ans, elle sort de l'hôpital, et vous trouvez que c'est une bonne chose de débarquer chez elle, à dix personnes, sans prévenir, à 8 heures du matin", a lancé Me Jacqueline Laffont, entendant démontrer que Liliane Bettencourt n'était pas préparée à cette batterie de tests.   

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Une mauvaise chute en Espagne. Pour les cinq praticiens, la vulnérabilité de la vieille dame remontait à septembre 2006, date retenue pour le début des faits d'abus de faiblesse, recel et blanchiment dont doivent répondre les dix prévenus. La chute de Liliane Bettencourt en Espagne, à cette époque, "marque le début des troubles les plus apparents", a rappelé à la barre la neurologue Sophie Auriacombe, indiquant que l'expertise avait conclu que l'héritière de L'Oréal souffrait d'une "démence à un stade modérément sévère", associant maladie d'Alzheimer à des symptômes de troubles vasculaires. Elle souffrait également de "troubles cognitifs" touchant l'orientation spatio-temporelle, a rappelé la praticienne, tandis que le médecin ORL a évoqué une surdité sévère "évolutive", avec une "vitesse d'aggravation importante". 

Incapable de donner la date du jour ou son âge… A la barre, la neurologue a également fait état de la difficulté pour la vieille dame de comprendre des questions simples. "Lorsque je lui demande quelle année nous sommes, elle a beaucoup de mal à comprendre ce que je veux lui dire", a détaillé la spécialiste. Liliane Bettencourt s'est aussi montrée incapable de répondre sur son âge ou de dire dans quel lieu elle se trouvait. Selon elle, Liliane Bettencourt était par ailleurs incapable de répéter trois mots qu'elle venait de lire ou de lui répondre sur son programme de la journée. L'un des experts va même jusqu'à parler de "coquille vide". 

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Une "femme du monde" aux réponses toutes faites. La riche héritière rencontre aussi des difficultés devant le "test très simple de vocabulaire" proposé par le Dr Bruno Daunizeau, psychologue. "Elle n'a pas été capable de répondre à la moindre question", a expliqué l'expert, relevant des réponses stéréotypées d'une "femme courtoise, très femme du monde", telles que "oui, oui, je vois", mais finalement "n'arrivant pas à répondre". En revanche, selon le neurologue, la discussion avec la milliardaire pouvait avoir une "certaine cohérence" lorsque les "questions venaient d'elle". "Une attitude qu'elle a dû peaufiner tout au long de son existence" en raison de son statut de "fille unique promise à un avenir grandiose" dans un "univers tout à fait à part", a confirmé le psychologue. 

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L'une des expertes, proche du juge Gentil.  Cette expertise judiciaire, la toute première réalisée sur la milliardaire, avait été au cœur d'une polémique, la défense dénonçant la partialité des examens menés par le médecin légal, Sophie Gromb, suffisamment proche du juge Gentil pour avoir été témoin à son mariage, en 2007. Mais la Cour de cassation avait finalement validé l'expertise. A l'audience, les avocats de la défense sont revenus à la charge sur la validité du travail des experts, les accusant d'avoir privilégié certains documents médicaux tout en en délaissant d'autres. 

Un médecin détenait peut-être la clef de cette question centrale de l'affaire, le docteur Hubert Rémy. C'est le seul à avoir ausculté Liliane Bettencourt deux fois, en 2009, mais le neuropsychiatre a détruit ses archives médicales et est aujourd'hui décédé.   

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