"Ni oubli, ni pardon". Plusieurs milliers personnes ont rendu un vibrant hommage, dimanche, à Steve Maia Caniço, disparu il y a un an lors d'une intervention policière le soir de la Fête de la musique, un drame dont le souvenir est toujours vif à Nantes.
Vêtus de gilets oranges, une dizaine d'amis de Steve ont assuré le service d'ordre de la manifestation, qui est partie du château des ducs de Bretagne en direction de l'île de Nantes. C'est à cet endroit que Steve avait disparu lors d'une soirée électro, quai Wilson en bord de Loire, dans la nuit du 21 au 22 juin 2019 après une intervention policière controversée à une heure tardive.
"Steve est devenu un symbole !"
Sous le soleil, la manifestation, qui a attiré 2.600 personnes selon la police, s'est déroulée dans une ambiance souvent familiale, beaucoup tenant une fleur à la main, où les sonorités du groupe de reggae Danakil pouvaient d'abord se faire entendre. La musique techno, chère à cet animateur périscolaire qui avait 24 ans, a également résonné.
En tête du cortège, le frère et la sœur de Steve étaient présents, derrière des banderoles ainsi que des drapeaux du Portugal, en référence aux origines familiales. Certaines pancartes - "dansez avant qu'on vous pousse à l'eau" ou "on ne se taira pas" ainsi que le slogan "on n'oublie pas ! on ne pardonne pas !" - montraient que les plaies étaient toujours à vif.
Les proches très émus
Dans les rangs, toutes les générations sont représentées, des jeunes aux moins jeunes. Comme Anne-Josée, dont le fils était ami avec Steve Maia Caniço. "Mes enfants faisaient de l’électro avec Steve, ils sont partis à la Fête de la musique avec lui, l’année dernière", raconte-t-elle au micro d’Europe 1. "Quand Steve n’est pas reparu au travail, on a compris qu’il ne reviendrait plus, parce que c’était un gars sérieux", se rappelle-t-elle. "Moi, j’ai envie de revoir mes enfants quand ils partent en fête, je n’ai pas envie de trembler pour eux chaque fois qu’une brigade se pointe".
Le cortège s'est recueilli longuement au pied de l'immense grue jaune, à cet endroit de la Loire où le corps de Steve avait été retrouvé le 29 juillet. Plusieurs prises de parole de ses proches, très émus, ont eu lieu, dont celle d'une amie de Steve, Aliyah: "L'inégalité fait rage à tous les coins de rue (...) Steve, à l'instar de George Floyd, Adama Traoré, Rémi Fraisse, Zineb Redouane, Malik Oussekine et bien d'autres encore, est devenu un symbole !", a-t-elle dit sous les applaudissements. Une autre manifestation, interdite par la préfecture, devait aussi avoir lieu en fin d'après-midi à Nantes.
"C'était une mort évitable"
Après des années de Fête de la musique célébrée quai Wilson, les polémiques se sont succédé au sujet de l'emplacement jugé dangereux et de l'intervention policière perçue comme disproportionnée face à des jeunes qui s'amusaient dans un quartier sans habitations. Après des rapports de l'IGPN (l'Inspection générale de la police nationale) et de l'IGA (Inspection générale de l'administration), l'enquête se concentre à Rennes où l'affaire a été dépaysée.
Trois informations judiciaires "contre X" sont instruites à Rennes. L'une pour "homicide involontaire" concernant le décès de Steve, l'autre pour "mise en danger de la vie d'autrui" concernant l'intervention policière et la troisième pour violences sur "personne dépositaire de l'autorité publique" s'agissant de la prise à partie des forces de l'ordre. "On est complètement serein" au sujet des enquêtes, a expliqué à l'AFP Stéphane, parrain de Steve. "Mais on est malheureux car c'était une mort évitable", a-t-il ajouté.
La maire de Nantes, Johanna Rolland, a tenu à rencontrer vendredi la famille de Steve Maia Caniço, soulignant que la ville était toujours "meurtrie".