Les scènes de violences policières contre les migrants alertent les associations depuis plusieurs mois. Cette fois, c'est une vidéo filmée par des militants de Calais Migrant Solidarity qui en atteste. Sur les images, on voit des migrants délogés par des policiers, alors qu’ils se cachaient dans des camions stationnant sur la rocade portuaire, en vue de traverser la Manche. Sauf que les policiers se montrent particulièrement violents. Après avoir infligé de violents coups de pieds aux migrants, les CRS les projettent par-dessus la glissière de sécurité de la rocade du port de Calais, les aspergeant au passage de gaz lacrymogène. La scène, filmée le 5 mai, fait mardi la une du quotidien Nord Littoral. Une enquête a été confiée à l'Inspection générale de la police nationale.
Frappés et projetés par-dessus des rambardes. La scène se déroule le mardi 5 mai, au petit matin, vers 8 heures. Comme chaque jour, des bouchons se forment sur la rocade portuaire. Et les camions, qui attendent leur tour pour traverser la Manche, sont immobilisés sur la voie de droite, en bordure de la N216. C’est là que les forces de l’ordre interviennent, mobilisés pour déloger les migrants qui sont venus se cacher dans les remorques des camions, espérant regagner la Grande-Bretagne.
Sur la vidéo, dont les auteurs ont réalisé un montage, on assiste à une série d’interpellations violentes. Les CRS délogent les migrants à coups de pieds et de poings avant de les projeter par-dessus les glissières de sécurité, vers un talus d’herbe en pente. A cela s’ajoute des pratiques plus coutumières lors de tels faits : utilisation de gaz lacrymogène et utilisation d’une matraque contre les barrières de métal pour intimider les exilés. Sur les images, on entend des migrants protester contre ces violences.
Regardez la vidéo tournée par l'association :
Et si l’un d’entre eux tente de s’échapper, il est tout de suite rattrapé, frappé, et lui aussi soulevé puis éjecter derrière la rambarde de sécurité. Une simple mesure de sécurité explique Johann Cavallero, délégué régional CRS Alliance. "On demande aux collègues d’éloigner rapidement les migrants des camions pour éviter les accidents", commente-t-il, contacté par Nord Littoral.
Déjà pointés du doigt par un rapport de l'ONG de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch, les syndicats de police avaient répondu que, dans certaines circonstances, face à la violence des migrants, ils étaient contraints d'utiliser la force.
Une vidéo tournée après la venue de Cazeneuve. La réalisation de cette vidéo intervient au lendemain d’une visite ministérielle de Bernard Cazeneuve à Calais. Une visite durant laquelle le ministre de l’Intérieur avait déclaré : "les forces de police et de gendarmerie incarnent la République, elles incarnent l’État, elles doivent être absolument exemplaires".
Pour l’heure, aucune plainte n’a été déposée par l’association Calais Migrant Solidarity. Toutefois, "les documents vidéo seront envoyés prochainement au Défenseur des droits pour compléter sa saisine sur des faits de violences à Calais", indique l’association à Nord Littoral. Une telle démarche avait déjà été réalisée en janvier dernier. De son côté, la préfecture du Pas-de-Calais assure que les images sont à l'étude et qu'une enquête sera ouverte si besoin.
Une enquête confiée à "la police des polices". Mardi, la Direction générale de la Police nationale (DGPN) a annoncé que son directeur "a saisi dès lundi l'Inspection générale de la police nationale (IGPN)", indiquant dans un communiqué : "Les circonstances précises de cette intervention seront examinées rapidement, [...] tout manquement avéré aux règles déontologiques sera sanctionné". Le procureur de Boulogne-sur-Mer, Jean-Pierre Valensi, a de son côté indiqué avoir lui aussi saisi l'IGPN, et statuera à partir de l'enquête de celle-ci, pour ces faits "qui sont susceptibles d'une qualification pénale s'ils étaient démontrés", potentiellement des "violences par agent de la force publique". Le défenseur des droits a, quant à lui, indiqué s'être auto-saisi d'une enquête concernant cette vidéo, indépendamment de celle de l'IGPN.