Placé sur la "liste noire" des Etats-Unis depuis septembre 2014, c'est l'un des djihadistes les plus recherchés au monde. A compter de mardi, Salim Benghalem sera jugé, par le tribunal correctionnel de Paris, pour son rôle présumé de recruteur de combattants français en Syrie, avec six autres prévenus. Mais le principal intéressé, installé là-bas depuis le printemps 2013, ne sera évidemment pas présent.
Geôlier et bourreau. Agé de 35 ans, Salim Benghalem, bien connu des services de renseignement, est l'une des figures françaises du djihadisme. Son rôle clef au sein d'une filière de recrutement pour le djihad lui vaut notamment, depuis mai 2014, d'être sous le coup d'un mandat d'arrêt international. Considéré comme l'un des bourreaux de l'organisation Etat islamique, il fait par ailleurs l'objet, depuis juillet 2015 d'une information judiciaire par la section antiterroriste du parquet de Paris pour enlèvement et séquestrations.
"Ascension sociale" au sein de l'EI. D'après Le Monde, qui avait révélé cette information en septembre dernier, il est soupçonné avec Mehdi Nemmouche, d'avoir été l'un des geôliers des quatre Français ex-otages en Syrie, détenus dix mois en captivité, de juin 2013 à avril 2014. "Quand Nemmouche cognait, c’est Benghalem qui posait les questions", rapportait ainsi une source proche du dossier au quotidien du soir. Il faut dire que Salim Benghalem, au départ chargé d'accomplir les basses besognes de l'EI, a vite monté les échelons de l'organisation terroriste, et était en quelque sorte le supérieur hiérarchique du tireur présumé du musée juif de Bruxelles.
Provocation à commettre des attentats. Mais le "policier" de l'organisation Etat Islamique est également dans le collimateur de la justice française pour sa propension à inciter à commettre des attentats. En février dernier, Salim Benghalem est apparu dans une vidéo de propagande, réalisée par l'otage britannique John Cantlie. Sur les images, l'homme identifié comme Salim Benghalem fait l'apologie des attentats commis à Paris par les frères Kouachi et Amedy Coulibaly, un mois auparavant, exhortant "ses frères" à suivre leur chemin.
Visé par l'armée française. La progression du Français dans la hiérarchie de l'organisation islamiste lui a sans doute valu d'être directement visé par des frappes aériennes françaises. Selon le journal Le Monde, celui que se fait appeler Abu Mohamed Al-Faransi aurait ainsi été ciblé par un bombardement de l'armée française à Raqqa, le 8 octobre dernier.
La dérive d'un simple délinquant de droit commun. Aujourd'hui incontournable nom de la nébuleuse française du djihadisme, Salim Benghalem, s'est pourtant radicalisé tardivement au regard d'autres profils de jeunes Français partis accomplir le djihad. Avant d'épouser l'islam radical, le jeune garçon originaire de Cachan, dans le Val-de-Marne, est d'abord passé par la petite délinquance. C'est vers ses 17 ans que le destin de ce quatrième enfant d'une fratrie de sept, bascule. L'adolescent, surnommé "chicot" par ses camarades à cause d'une incisive bancale, interrompt soudainement ses études en CAP de vente en alternance pour s'adonner au trafic de drogue et au vol à la roulotte.
Condamné pour tentative de meurtre. A peine quatre ans plus tard, en juillet 2001, Benghalem se retrouve impliqué dans une "embrouille de cité" qui vire au meurtre, selon les termes de Libération ayant couvert le procès, en 2007. Jugé par la cour d'assises de Créteil, après cinq années de détention provisoire, le jeune homme écope de 11 ans de prison pour tentative de meurtre aux côtés de son acolyte, condamné, lui, à 12 ans de réclusion pour meurtre. Bénéficiant d'un régime de semi-liberté en 2008, Salim Benghalem se retrouve définitivement libre en 2010.
En cellule, sous influence. C'est dans la dernière année de sa peine que Benghalem, alors âgé de 27 ans, aurait commencé à changer de cap. D'après Le Monde, le Français d'origine algérienne se serait radicalisé derrière les barreaux de sa cellule de Fresnes, en compagnie de son codétenu : Mohamed El-Ayouni. Membre de la filière irakienne des Buttes-Chaumont, l'homme est parti combattre en Irak, aux côtés d'Al-Qaïda, en juillet 2004. Malgré son jeune âge, c'est déjà un "vétéran" de la guerre sainte.
Proche des Kouachi. A son contact, Benghalem se rapproche de la filière irakiennes des Buttes-Chaumont, puis fait la connaissance de Saïd et Chérif Kouachi. En juillet 2011, il s'envole avec l'un des deux frères pour le Yémen, afin de rejoindre les rangs d'Al-Quaïda où ils auraient notamment été entraînés au maniement des armes. Benghalem aurait alors été chargé de commettre un attentat visant des Américains en France, mais il y aurait renoncé.
Au printemps 2013, il prend le chemin de la Syrie. Pourtant, "il avait un boulot bien payé, il était grutier à Cachan, et une famille. Le jour où il est parti, seul, il n'a prévenu personne", se souvenait son frère aîné auprès de L'Express, en octobre 2014.
Mourir en martyr. Plus de deux ans après son départ, l'ancien délinquant de droit commun qui aimait les sorties en boite, d'après un ami d'enfance, a parfaitement adopté son nouveau mode de vie au sein de l'organisation Etat islamique. D'après Le Parisien, qui rapporte le témoignage de son épouse, à son retour de Syrie début 2014, auprès des services de renseignement, le djihadiste français aspire désormais à mourir en martyr. Et Benghalem d'expliquer à la mère de ses deux enfants que "les attentats à la bombe" sont à présent délaissés, au profit "des tueries en série", "préconisées". "Il m'a dit qu'il ne reviendrait pas" en France, raconte celle qui a épousé Salim Benghalem en 2010. A moins, rapporte-t-elle, d'y commettre "un attentat, pour faire un maximum de dégâts".