L'enquête progresse à grands pas après les attentats qui ont frappé l'Île-de-France vendredi 13 novembre. Mercredi, une opération antiterroriste à Saint-Denis a débouché sur la garde à vue de huit personnes. Jeudi, le parquet a confirmé la mort dans cet assaut d'Abdelhamid Abaaoud, djishadiste belge et potentiel chef opérationnel des attentats. Alors qu'à Bruxelles, des perquisitions ont débouché jeudi sur neuf interpellations, Europe 1 a interrogé jeudi Claude Moniquet, ancien membre de la DGSE, expert en terrorisme et président du centre d'étude spécialisé European Strategic Intelligence & Security Center (ESISC).
Une mort qui "est une bonne nouvelle". La mort du chef opérationnel présumé des attentats de Paris et Saint-Denis est "une victoire incontestable de la police et du renseignement" et "une bonne nouvelle pour la France et l'humanité vu la personnalité sinistre" de ce djihadiste belge, estime Claude Moniquet. Mais "sur le moyen et long terme", cette mort "ne va pas changer grand chose", ajoute-t-il. Abaaoud "a été autorisé à venir en Europe mener une opération dont on savait très bien qu'il avait peu de chances de sortir vivant ou libre", explique l'ancien de la DGSE.
L'Etat islamique est composé de "gens intelligents", qui ont estimé qu'Abdelhamid Abaaoud "rapporterait plus mort que vivant", explique-t-il. Il va devenir ainsi "une icône", "un nouveau Saladin qui est entré dans la forteresse française", de quoi "recruter de nouveaux volontaires", estime Claude Moniquet.
"Des erreurs certainement". Au sujet d'Abdelhamid Abaaoud existent de nombreuses interrogations sur ses aller-retours entre l'Europe et la Syrie, où il est parti combattre en janvier 2014. "Il y a eu des erreurs certainement", avance Claude Moniquet. Mais l'expert précise qu'elles ne viennent pas forcément uniquement du côté belge. "Il y a sans doute eu quelques erreurs en France". "Un des terroristes de vendredi soir (Samy Amimour, ndlr) était sous le coup d'un contrôle judiciaire et il a pu gagner la Syrie depuis la France, c'est plutôt une erreur française", rappelle-t-il. Mais l'ancien de la DGSE tempère : "il y a beaucoup de brouillard, beaucoup de rumeurs". Il faut "tout mettre à plat pour voir exactement ce qu'il s'est passé et pour essayer de corriger les erreurs et les dysfonctionnements", explique-t-il.
Des aller-retours Europe-Syrie "choquants". Un ressortissant belge qui part en Syrie en 2014, s'installe à Raqqa, fief de l'Etat islamique, et qui revient en Europe, "c'est choquant", concède Claude Moniquet. Mais il explique que "sur un continent comme l'Europe", il y a "des dizaines de milliers de personnes qui sont des criminels, terroristes ou de droits communs, recherchés par la police". Or, "ils vivent clandestinement, parfois pendant des années, s'ils sont intelligents et bien organisés". Pour le passage des frontières, Claude Moniquet explique, par exemple, qu'il est possible d'utiliser des papiers d'identité dont la photographie ressemble "le plus possible à la personne qu'on veut faire transiter". Cette dernière va alors "modifier son physique". "C'est à peu près indétectable", estime l'ancien de la DGSE.
"Assécher le marécage". "L'état d'urgence va changer quelque chose", souligne cependant Claude Moniquet. Depuis samedi dernier, plusieurs centaines de perquisitions ont eu lieu partout en France et des assignations à résidence ont été décidées. "La police est en train d'assécher le marécage sur lequel repose le recrutement de l'Etat islamique" en mettant "sous surveillance ou hors d'état de nuire les personnes dangereuses ou suspectes", rappelle l'expert en terrorisme.