Les djihadistes présumés de la filière de Strasbourg devant la justice

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Chloé Pilorget-Rezzouk avec AFP , modifié à
Sept Alsaciens de 24 à 27 ans sont jugés à partir de lundi, à Paris, pour être partis faire le djihad en Syrie, fin 2013.

Ils avaient été arrêtés lors d'une opération policière ultra-médiatisée à la mi-mai 2014, quelques semaines à peine après leur retour de Syrie. A compter de lundi, sept jeunes de 24 à 27 ans, originaires du quartier de la Meinau à Strasbourg et des environs, comparaîtront devant le tribunal correctionnel de Paris pour "association de malfaiteurs en vue de commettre des actes terroristes". Retour sur ce groupe dit de "la filière de Strasbourg", bien connu des services de renseignement français. 

Un départ au compte-goutte. Les sept prévenus appartiennent à une bande de onze jeunes ayant décidé de partir en Syrie, à la mi-décembre 2013, comme l'avait révélé Europe 1. L'un d'eux, intercepté in extremis par ses parents, restera finalement en France. Pour ne pas attirer l'attention, ils avaient alors échelonné leurs départs par petits groupes. Et avaient surtout pris soin d'embobiner leurs proches, en prétextant des vacances à Dubaï.

Mais en réalité, tous prenaient la route de la Syrie. D'abord en passant par Francfort, en Allemagne, où ils ont pris un avion pour Antalya, en Turquie. Puis, direction la zone d'Alep, après avoir franchi la frontière turque aidés d'un passeur. Un voyage préparé en catimini dans un bar à chicha de Kehl, ville frontalière allemande, où le groupe se retrouvait régulièrement. Et avec l'aide du Haut-Savoyard Mourad Fares, l'un des principaux recruteurs de djihadistes français.

Deux sont morts en Syrie. Parmi les dix à partir, Yacine et Mourad Boudjellal. Mais les deux frères n'auront pas à répondre de leur départ pour la Syrie devant le tribunal. Ils y ont laissé la vie, en décembre 2013, pris au milieu d'un règlement de comptes de djihadistes, racontait Rue89. A peine quelques jours à peine leur arrivée. Strasbourgeois de naissance, issus d'une famille algérienne, ils étaient décrits comme des jeunes de leur âge : aimant sortir en discothèque, écouter du rap et parler de filles. Avant de se radicaliser sur le tard, via les réseaux sociaux.

Le frère d'un terroriste du Bataclan. C'est notamment leur mort qui aurait encouragé la bande d'apprentis djihadistes à rentrer en France. Ainsi, après un séjour allant de deux à trois mois, tous prennent le chemin du retour. Tous, sauf Foued Mohamed-Aggad, le plus jeune du groupe. Ce n'est que pour accomplir une funeste mission que le jeune homme originaire de Wissembourg rentrera en France. Il a été identifié comme l'un des trois kamikazes du Bataclan, ayant fait 90 victimes. En mars 2014, il écrivait d'ailleurs : "Si je rentre en France, c'est pas pour aller en prison. C'est pour tout exploser, alors me tenter (sic) pas trop à rentrer", rapporte Le Point. Karim, son frère aîné, est le dernier de l'équipe des sept camarades à rentrer au pays. 

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Mission humanitaire... D'après leur récit, une fois en Syrie, la petite troupe a déchanté. Face aux enquêteurs, les "Strasbourgeois" disent avoir été bernés, "pris au piège". Ils racontent avoir été forcés d'intégrer l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), ancêtre de l'Etat islamique. S'ils reconnaissent pour la plupart avoir participé à des entraînements, certains nient avoir touché une arme, se contentant de cuisiner et faire le ménage. D'autres admettent avoir tiré à la kalachnikov, mais seulement pour s'entraîner, et pas plus de deux coups. Leur périple en Syrie, défendent-ils, avait avant tout un but humanitaire. Et c'est d'ailleurs car ils ne cautionnaient pas les exactions perpétrées par l'organisation terroriste qu'ils en sont revenus. 

... ou aspirations djihadistes ? Pourtant, des photos de certains, posant avec armes et treillis, ont été retrouvées dans leurs ordinateurs et téléphones, ainsi que des textes menaçants envers la France. Pour exemple, Karim Mohamed-Aggad apparaît sur des clichés, souriant et brandissant une kalachnikov ou un couteau. Elle n'était "pas chargée" et il "ne coupait pas du tout", a-t-il affirmé aux enquêteurs lors d'une audition, arguant qu'il avait été contraint à cette mise en scène. Au sein des rangs djihadistes règne un climat permanent de suspicion et de menace : "Ce n'est pas le club Dorothée là-bas", leur a assuré le frère du kamikaze du Bataclan. 

Désignés "combattants" sur les "Daech Leaks". Surtout, les noms des sept prévenus figurent dans des fichiers attribués au groupe État islamique, et révélés en mars dernier, que le parquet compte évoquer au tribunal. Or, sur ces fiches issues des "Daech Leaks", où sont indiqués la profession, le groupe sanguin et l'état civil, les Strasbourgeois sont désignés comme des "combattants". 

Les sept jeunes hommes auront une semaine pour défendre leur version et s'expliquer devant le tribunal. Ils encourent jusqu'à dix ans de prison.