"Aujourd'hui comme hier, rien n'empêcherait un camion fou aux mains d'un terroriste déterminé d'attaquer la foule": au procès de l'attentat de Nice, le maire Christian Estrosi s'est défendu jeudi de toute défaillance de la sécurité le soir du drame. L'objet du procès qui s'est ouvert le 5 septembre devant la cour d'assises spéciale de Paris, est uniquement de juger huit personnes pour leur implication, à des degrés divers, dans l'attaque au camion-bélier qui a fait 86 morts et plus de 400 blessés le soir du 14 juillet 2016.
"Aucune menace n'avait été identifiée"
Mais la question du dispositif destiné à protéger la Promenade des Anglais s'est imposée au fil des débats. À l'époque des faits, Christian Estrosi n'était pas maire de Nice, pour cause de cumul des mandats, mais premier adjoint de la municipalité en charge de la sécurité. "Personne n'avait envisagé" ce type d'attentat, assure-t-il d'emblée. "Aucune menace n'avait été identifiée" à Nice, "cette attaque du 14 juillet marque le premier attentat de ce type sur le sol européen".
En six heures de déposition, Christian Estrosi n'a pas évité l'emphase. "La Promenade des Anglais, pour le petit garçon né dans une famille modeste d'immigrés italiens (que j'étais), c'est comme pour tout Niçois +ma+ promenade des Anglais. Je me revois, tenant la main de ma mère, du haut de mes 5 ans, regardant le général de Gaulle en 1960".
La vidéosurveillance au cœur du procès
Surtout, il défend bec et ongles la police municipale qu'il a créée en 2008 et le système de "vidéoprotection" de 1.836 caméras de surveillance alors installées dans sa ville (il y en a près de 4.000 aujourd'hui). La police municipale n'avait pas alors la possibilité de communiquer directement avec la police nationale, regrette-t-il. Le soir du 14 juillet, 42 policiers municipaux avaient été déployés sur la promenade des Anglais et 34 autres étaient en fonction hors zone, a-t-il rappelé.
Savait-il combien de membres de la police nationale avaient été mobilisés, demande la cour. "Non, je n'ai eu aucune information avant (l'attentat) sur les états des moyens à disposition", répond l'élu, "c'est toujours comme ça que ça se passe". Lors de son audition, l'ancien ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve avait précisé que 64 agents de la police nationale avait été mobilisés le soir du 14 juillet.
Quant à la vidéosurveillance, Christian Estrosi admet que "les passages du terroriste sur la Promenade des Anglais avant l'attentat n'ont pu être interprétés comme des repérages qu'après l'attentat". "Ils ne pouvaient être détectés par l'œil humain", ajoute-t-il, "il aurait fallu recourir à l'intelligence artificielle". "Ce recours à l'intelligence artificielle nous est encore aujourd'hui interdit (...) je réclame depuis longtemps la reconnaissance faciale".
Estrosi "mal à l'aise"
Mais, s'étonne le président Raviot, comment un camion de 19 tonnes a pu rouler à dix reprises sur la Promenade des Anglais quatre jours avant l'attentat sans que la police ne le remarque ? "Il y a 100.000 véhicules par jour sur la Promenade des Anglais dans un sens et 80.000 dans l'autre (...) quand bien même il y aurait eu une infraction constatée, cela relève d'une amende de 4e catégorie pour un montant de 90 euros", répond le témoin.
"La plupart des parties civiles ont compris que (Christian Estrosi) était mal à l'aise (...) on l'a senti touché par moment mais l'animal politique est vite revenu", réagit Alain Dariste, partie civile, coprésident de l'association Promenade des anges qui a suivi la déposition du maire depuis Nice.
"J'espère que ce qu'il a dit va favoriser l'instruction en vue d'un deuxième procès sur le volet sécurité", ajoute-t-il. Suivant également l'audience depuis Nice, Aurélie Amami-Joly exprime sa déception. "Comment est-ce possible de n'avoir pas remarqué le camion quand il a été filmé une dizaine de fois alors qu'il faisait ses repérages ?", s'interroge-t-elle. Est-ce si difficile de demander pardon, demande à un moment un avocat à Christian Estrosi. "La sécurité des Niçois est assurée par l'autorité de l'Etat. Je n'ai pas à demander pardon en lieu et place de l'État", répond avec agacement le maire.