"Le logement en crise, c'est vrai". Cette petite phrase prononcée par Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse, mardi soir dernier, n’est pas passée inaperçue. À se demander, si le chef de l’État qui a toujours fait grincer des dents les professionnels du bâtiment en estimant que "le logement, c’est la rente" n’est pas lui-même, le seul, l’unique, le vrai ministre du secteur.
Mais la réalité est ailleurs. Le vrai patron, celui qui aiguille le président sur cette question n’est autre que celui qui tient les cordons de la bourse : Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, maître d’œuvre, architecte, idéologue d’une politique de l’habitat à réinventer. Son cabinet et celui de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, sont à la manœuvre et préparent, de concert, la sortie de crise et le futur du logement en France.
Un DPE relifté, comme promis
Un nouveau DPE (diagnostic de performance énergétique) pour les petites surfaces devrait voir le jour. Le décret est prêt et sera publié prochainement, sans doute à l’issue de la nomination d’un nouveau ministre délégué au logement. Le locataire de Bercy, qui avait relancé les discussions interministérielles sur le diagnostic de performance énergétique l’an passé, confirme que l'objectif est de remettre sur le marché des appartements de petites tailles afin de détendre la location, aujourd’hui en panne sèche.
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Méthodologie revisitée, car les petites surfaces en question étaient, selon Bercy, victimes d’un DPE sans résultats probants en termes d’efficacité énergétique. Le ministère de la Cohésion des territoires précise que le travail a essentiellement porté sur la modification du calcul de la consommation d’eau chaude sanitaire par rapport au nombre de m². Une réflexion est également en cours sur le calendrier de mise en œuvre du DPE, les pires passoires thermiques devant être interdites à la location dès le 1er janvier 2025.
Faire baisser les prix du neuf, grâce au BRS
Il s’agit de décorréler le foncier du bâti. Le cout du terrain représente 20 à 30% du prix d’un logement et les services de Bruno Le Maire réfléchissent à booster davantage le Bail Réel Solidaire (BRS). Accessible pour 3,8 millions de foyers fiscaux depuis l’automne dernier, après le relèvement du plafond de ressource, il permet de devenir propriétaire en achetant seulement l’habitation et en étant locataire du terrain, ce qui, de fait, réduit le coût d’acquisition.
La carotte ou le bâton pour les maires ?
Bercy le reconnait : l’impact de la suppression de la taxe d’habitation sur la construction a été sous-estimé et les maires n’ont, aujourd’hui, plus d’intérêt à construire. La sortie de terre de nouveaux logements et l’arrivée de nouveaux habitants leur coute davantage qu’elle ne leur rapporte puisqu’il faut l’accompagner de la mise en œuvre d’équipements publics.
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Pour redonner l’envie d’avoir envie aux élus ou carrément pour les obliger à construire, le cabinet de Bruno Le Maire avance plusieurs pistes. Tout d'abord, rendre opposable le plan local d'urbanisme. En clair, si les maires ne construisent pas, ce sont les préfets qui peuvent utiliser ce pouvoir prévu par la loi, mais Bercy préfèrerait privilégier le dialogue avec les élus.
Autre scénario à l’étude : la possibilité, pour les intercommunalités, de prendre la main sur les permis de construire si le nombre de constructions prévu dans le PLU (plan local d'urbanisme) n’est pas atteint. Enfin, la question des droits de mutation lors de l’achat est posée : faut-il continuer de les taxer ou taxer plus lourdement la détention de logements inoccupés ?
Pas plus d'argent pour le logement, mais mieux utilisé
Le cabinet de Bruno Le Maire le rappelle, le logement coute plus cher en France que dans la plupart des pays européens : 38 milliards d'euros et 1,6 point de PIB contre seulement un point chez la plupart de nos voisins, pour une efficacité toute relative. Pour le ministre des Finances, la politique du chèque, pour résoudre les problèmes structurels du logement, doit prendre fin. Il faut, au contraire, profiter de la crise pour engager de vraies réformes. C’est d’ailleurs la démarche de la loi Pacte 2 portée par le ministre de l’Économie.
Bercy reconnaît qu'il s'agit là d’un chantier complexe qui n’a pas trouvé les réponses adéquates dans la cadre du Conseil national de la refondation qui a plutôt accouché de vielles recettes couteuses pour les caisses de l’État.