Au cœur de Paris, une rue pavée, des perrons fleuris, mais surtout le bleu, le jaune ou le vert pastel des façades. Voilà ce que les photographes professionnels ou amateurs viennent chercher ici, rue Crémieux, dans le 12e arrondissement. Un cadre bucolique qui a fait la renommée de l'allée sur les réseaux sociaux, notamment Instagram.
"Il y a deux ou trois bricoles à voir à Paris en plus de cette rue !"
"Les photos rendent super bien, on va revenir", s'enthousiasment Marie et Maelia, en quête de beaux clichés. Comme des milliers d'autres personnes, sûrement vont-elles poster leurs photos sur Instagram, participant de plus belle à la fièvre qui s'empare des "influenceurs" ou de ceux qui aimeraient bien l'être à la vue de cette rue pas comme les autres.
Mais tout le monde n'est pas aussi enjoué. Ce défilé incessant excède Nicolas, qui pensait vivre une retraite paisible en s'installant dans cette rue en 1995. "Je sors de chez moi et on me demande de rentrer parce qu'ils sont en train de prendre des photos", râle-t-il. "De temps en temps, on a des choses extraordinaires. Des gens ont fait un clip de rap en passant la musique 15 fois de suite. Un jour, on a vu des filles, des Finlandaises, qui ont passé trois jours dans toute leur vie à Paris, dont une journée entière rue Crémieux. Enfin... il y a deux ou trois bricoles à voir à Paris en plus de cette rue !"
Les riverains ripostent
Bien des habitants ont dû renoncer à en profiter, au grand regret de Philippe. "Avant, les enfants jouaient dans la rue, on disait bonjour à tous ceux qui s'arrêtaient", se souvient-il. "Maintenant ce n'est plus possible, il y a trop de monde." Tant de monde et d'élans photographiques, d'ailleurs, que certains ont pris leur revanche en créant des comptes Instagram parodiques. Sur "@clubcremieux" par exemple, des riverains ont compilé les clichés les plus ridicules des influenceurs du dimanche, sous le slogan "shit people do rue Crémieux" ["les trucs merdiques que font les gens rue Crémieux"].
D'autres songent à aller plus loin pour échapper à l'affluence, réclamant que la mairie de Paris privatise la rue. Avec l'humour du désespoir, d'autres encore sourient et se demandent s'ils ne vont pas repeindre leur façade... en noir.