"Si les médias t'interrogent, tu diras : 'C'est Al-Qaïda au Yémen'." Ce sont les mots d'un des frères Kouachi, les auteurs présumés de l'attaque de Charlie Hebdo. Dans leur cavale, ils ont changé de véhicule et ont fait passer ce message au propriétaire de la voiture qu'ils ont volée. "On est les défenseurs du prophète. J'ai été envoyé moi, Chérif Kouachi, par Al-Qaïda au Yémen. Je suis parti là-bas [ndlr, au Yémen] et c'est Anwar al-Awlaki qui m'a financé." a ensuite déclaré, vendredi matin, le cadet des deux frères à un journaliste de BFMTV qui l'avait joint accidentellement en tentant de contacter des témoins de l'imprimerie de Dammartin-en-Geöle. Son voyage au Yemen date de 2011 "avant qu'il [ndlr, Anwar al-Awlaki] soit tué" puisque le prédicateur de nationalité américaine et d'origine yéménite est mort le 30 septembre 2011 lors d'une attaque de drone américain au Yémen.
Etat islamique contre Al Qaïda. Si Amedy Coulibali, lui, s'est revendiqué de l'Etat islamique auprès de la chaîne télévisée qu'il a jointe volontairement, plusieurs éléments poussent vers la piste d'Al Qaïda au Yémen. Selon un responsable américain, Saïd Kouachi serait allé s'entraîner au maniement des armes au Yémen en 2011. Les autorités yéménites affirment de leur côté qu'il aurait rencontré Anwar al-Awlaki, un prédicateur proche de l'organisation terroriste. Le suspect de l'attentat contre Charlie Hebdo aurait reçu une éducation religieuse dans le pays, selon cette source, qui n'a pas parlé de formation militaire.
Une branche du réseau. Egalement appelé Al Qaïda en péninsule arabique (AQPA), le groupe est une branche du réseau global, aux côtés d'Aqmi, des shebab en Somalie ou encore de la nouvelle branche Al Qaïda dans le sous-continent indien. Toutes ces organisations terroristes régionales obéissent aux ordres du leader d'Al Qaïda, Ayman Al-Zawahiri. Principalement active au Yémen et en Arabie saoudite, cette branche est dirigé par Nasser Al-Whaychi, dont la tête est mise à prix à 10 millions de dollars par Washington.
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Le printemps arabe, une aubaine pour Aqpa. Né en 2009 d'une fusion entre les branches yéménite et saoudienne, Aqpa a largement profité de l'affaiblissement du pouvoir central au Yémen en 2011. L'insurrection populaire contre l'ancien président Ali Abdallah Saleh lui a permis de renforcer son emprise dans le pays, en particulier dans le sud. La zone sert depuis de base d'accueil aux djihadistes en puissance.
Le nouveau pouvoir du président Abd Rabbo Mansour Hadi a réussi à les repousser dans les zones montagneuses difficiles d'accès. Les drones américains ciblent régulièrement Aqpa dans ces zones montagneuses.
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Ces dernières années, Aqpa a revendiqué plusieurs attentats, au Moyen-Orient comme en Occident. En 2009, un kamikaze d'Aqpa a failli tuer le ministre saoudien de l'Intérieur Mohammed ben Nayef, en se faisant exploser en sa présence. La même année, l'organisation terroriste avait tenté de faire exploser un avion de ligne américain le jour de Noël 2009. En novembre 2010, il a revendiqué la responsabilité de l'envoi de colis piégés aux Etats-Unis et de l'explosion d'un avion-cargo américain deux mois plus tôt à Dubaï.
Inspire, la revue d'AQPA, publiait en 2013 les portraits de cibles qu'il était recommandé de tuer. Parmi elles, Stéphane Charbonnier, alias Charb, le directeur de la publication de Charlie Hebdo, tué dans l'attaque.