Après la satisfaction de la mission accomplie, le doute envahit la Maison-Banche. Et divise les conseillers de Barack Obama. L’opération qui a conduit à la mort d’Oussama Ben Laden vendredi a été conduite par 24 GI’s, tous munis d’une caméra sur leur casque. Il existe donc 24 films des dernières minutes de l’ancien chef d’Al-Qaïda, sous autant d’angles différents. Mais Washington ne parvient pas à trancher si ces images doivent être rendues publiques ou non.
Théoriciens du complot
D’un côté, elles permettraient de prouver la réalité de l’intervention américaine. "Les Etats-Unis ont tout intérêt à clarifier des zone d’ombres. S’ils parlent de l’existence de ces images, c’est pour, à terme, les monter", estime Anne Giudicelli, responsable du cabinet d’analyse Terrorisc, jointe par Europe1.fr.
Les talibans afghans ont d’ailleurs fait part de leurs doutes sur la mort d’Oussama Ben Laden. Mais, sur les forums djihadistes, les réactions promettant de venger la mort du leader d’Al-Qaïda affluent. De plus Barack Obama a attendu 48 heures pour annoncer le succès de l’opération américaine, s’assurant que l’homme tué était bien l’ennemi public numéro un.
Reste que, à l’instar des théories du complot qui circulent sur le 11 septembre, la réalité de la mort de Ben Laden pourrait elle aussi trouver des contestataires : "pour les théoriciens du complot il n’y en aura jamais assez, Obama a dû il y a peu montrer son certificat de naissance pour prouver qu’il était bien américain", explique a Europe 1 François Durpaire, historien spécialiste des Etats-Unis.
Politique du cow-boy
Si la vidéo peut appuyer la réalité de l’intervention américaine, donner à voir les conditions dans lesquelles Ben Laden a été tué pourrait attiser encore plus la haine de ses partisans envers un pays qui est intervenu en Irak, en Afghanistan et soutient l’intervention en Libye. Les risques d’attentats ou de prises d’otages dans les pays en guerre sont d’ailleurs clairement pus conséquents depuis lundi. En témoignent le renforcement des mesures de sécurité depuis lundi en France ou en Grande-Bretagne.
Autre conséquence, l’image des Etats-Unis pourrait être à nouveau écornée, alors qu’Obama a justement cherché à la redorer après l’ère Bush. La politologue Nicole Bacharan, spécialiste des Etats-Unis, jointe par Europe 1, note ainsi que "tout ce qui peut être interprété comme la politique du cow-boy n’est pas bon".
Une solution de compromis ?
Mais à l’inverse, la diffusion des images pourrait avoir un effet positif sur les Américains. "Le discours d’Obama sur la ‘justice a été faite’ aurait plus d’impact encore, il y a ce coté western dans la société américaine qu’on ne comprend pas forcément en France", analyse François Durpaire. Alors que les voix demandant l’arrêt de la guerre en Afghanistan sont toujours plus nombreuses depuis 2001, la mort de Ben Laden semble avoir permis aux Etats-Unis de traverser à nouveau un moment de cohésion nationale, ainsi que l’a souligné le président américain lui-même.
En somme, le dilemme est total pour la Maison-Blanche. "Il n’y a pas de bonne solution, sans quoi ils l’auraient déjà trouvée", résume Nicole Bacharan. Et la politologue de pencher pour une politique du compromis : "ils pourraient sélectionner certaines images", prouvant à la fois leur intervention et mettant en valeur l’armée.
Le choix sera néanmoins difficile, car l’intervention semble avoir été particulièrement violente. Les premières images de la villa de Ben Laden diffusée par ABC mardi sont elles-mêmes choquantes, et plusieurs chaînes de télévision les ayant reprises ont inséré un avertissement dans ce sens. On y voit des pièces sens dessus dessous, avec des murs ensanglantés et défoncés. Leur diffusion est donc un enjeu de taille.
Retrouvez le dossier spécial sur la mort de Ben Laden sur Europe1.fr.