Il y avait la "révolution des oeillets" pour désigner la révolution portugaise de 1974, l'Histoire adoptera-t-elle l'expression "révolution du jasmin" pour désigner la chute de Ben Ali le 14 janvier 2011 ? Cela n’est pas certain, car si l’expression est très prisée des médias, des voix s’élèvent pour en contester la justesse.
A l'origine, l'expression est revendiquée par le journaliste tunisien Zied El Hani. Ce dernier explique avoir rédigé un texte intitulé "Révolution du jasmin", qu'il dit avoir écrit avant la fuite de Zine El Abidine Ben Ali sous la pression de la rue. Ce texte a été effectivement mis en ligne le 13 janvier sur son blog baptisé "Le journaliste tunisien", qui était bloqué en Tunisie avant la toute récente levée de la censure sur internet.
Une fleur emblématique de la Tunisie
Poétique, le texte "révolution du jasmin" qualifie le peuple tunisien d'"extraordinaire" pour n'avoir pas limité ses revendications aux aspects sociaux mais leur avoir donné une dimension politique.
Le journaliste n’a pas été choisi le jasmin au hasard. Cette fleur blanche très parfumée, emblématique de la Tunisie, symbolise la pureté, la douceur de vivre et la tolérance. Elle est abondamment utilisée dans les campagnes de promotion destinées à attirer les touristes dans le pays.
"Une nouvelle expression du temps dans l'histoire"
Depuis le 14 janvier, l'expression s'est répandue sur les réseaux sociaux, et notamment Facebook où une vingtaine de groupes se sont formés avec des intitulés proches de "La révolution de Jasmin". Le plus populaire d'entre eux, "La Révolution de Jasmin (Tunisie) " comprend 550 membres.
Dans la quasi-totalité de la presse hexagonale, de Liberation à Courrier International en passant par Le Figaro, l'expression "révolution de jasmin" fait également florès depuis quelques jours. Pour Serge Kaganski dans les Inrockuptibles, "ce jasmin d’hiver parfume aussi nos démocraties". Tandis que l'écrivain franco-tunisien Abdelwahab Meddeb estime dans Le Monde que "nous avons avec cette "révolution du jasmin" une nouvelle expression du temps dans l'histoire".
"Un raccourci journalistique"
Néanmoins, certains jugent l'expression inadéquate. C'est le cas du journaliste de Mediapart Olivier Malaponti. "Oublie-t-on qu'il y a du sang, de la peur, des morts, des blessés, des familles en deuil ?", écrit-il. 'Le jasmin est blanc, sent bon, est beau, pur... En aucun cas les Tunisiens n'emploient en ce moment l'expression "révolution de jasmin" "soutient-il, regrettant "un raccourci journalistique, un cliché, un stéréotype crée par les médias occidentaux ".
Sur la même ligne, des utilisateurs de Tweeter invitent les médias à ne pas affaire usage de cette expression."Pour quelle raisons les médias étrangers parlent de "révolution du jasmin" ? lit-on sur le compte "actu Tunisie". De même, @mostpurple s'insurge : Quand est-ce que vous allez comprendre? Notre révolution ne s'appellera PAS "la révolution du jasmin"! Et sur Facebook un groupe, privé, indique pour sa part son refus de cette formule avec un nom sans équivoque: "Non au "Jasmin" comme nom de notre révolution !"
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