Les rideaux des magasins étaient baissés jeudi à Port-Saïd, au nord de l'Egypte, au lendemain d'affrontements meurtriers survenus dans un stade de la ville mercredi soir. Au moins 74 personnes sont mortes et les autorités dénombrent des centaines de blessés. "C'est malheureux et profondément affligeant. Il s'agit de la plus grande catastrophe de l'histoire du football égyptien", a déclaré le vice-ministre de la Santé, Hecham Cheïha. L'armée a été déployée dans la ville et le gouvernement égyptien, qui a décrété trois jours de deuil national, a prévu une réunion de crise jeudi.
Le drame s'est produit après un match opposant Al-Ahly, club phare du championnat égyptien, à Al-Masry, l'équipe locale. Les heurts ont débuté juste après que l'arbitre ait sifflé la fin du match. Le club Al-Masry venait de gagner (3-1), faisant ainsi subir à Al-Ahly sa première défaite de la saison, après 17 journées du championnat national.
Les violences ont débuté juste après la fin du match :
C'est a priori le déploiement d'une banderole injurieuse qui a provoqué les violences, même si les circonstances exactes restent à déterminer. Les images montrent les supporteurs d'Al-Masry envahissant le terrain, lançant des pierres, des bouteilles et des fusées éclairantes. La plupart des victimes ont été piétinées dans les bousculades provoquées par la panique ou ont chuté des gradins, ont rapporté des témoins. Plusieurs supporteurs se sont affrontés à coups de poings et des personnes ont été blessées à l'arme blanche.
"Ce n'est pas du football, c'est la guerre"
Au moins deux joueurs ont été blessés légèrement lors des affrontements, ainsi que des membres du personnel de sécurité. Interrogé par la chaîne de télévision de son club, le joueur d'Al-Ahly Mohamed Abo Treika a déclaré: "Ce n'est pas du football. C'est la guerre et des gens meurent sous nos yeux. Il n'y avait aucun dispositif de sécurité, pas d'ambulances". Il a demandé l'annulation du championnat. "C'est une situation horrible et on ne pourra jamais oublier la journée d'aujourd'hui", a-t-il encore dit.
"Ce n'est pas du football. C'est la guerre", a dit un joueur :
Des responsables sportifs et politiques ont dénoncé l'absence de sécurité entourant cette rencontre. Ils accusent les militaires au pouvoir en Egypte depuis la chute d'Hosni Moubarak d'avoir permis, sinon provoqué, cette tragédie par incurie ou par calcul. La lumière aurait notamment été coupée dans le stade pendant la bousculade, ce qui a sans doute précipité le mouvement de foule.
Les Frères musulmans accusent une "main invisible"
Les Frères musulmans, première force politique au parlement nouvellement élu, ont vu derrière ces violences une "main invisible" et dit redouter que "certains officiers punissent le peuple en raison de la révolution qui les a privés de leur capacité à agir en tyran et qui a réduit leurs privilèges". L'Union européenne a de son côté demandé l'ouverture d'une "enquête indépendante" sur les évènements.
Le ministère de l'Intérieur égyptien a réagi jeudi matin en démettant le directeur de la sécurité de la ville de ses fonctions. Le gouverneur de Port-Saïd a quant à lui démissionné.
La Fédération égyptienne de football a annoncé la suspension sine die de toutes les rencontres de première division après cet événement, et son directeur a été limogé. Le monde du ballon rond est sous le choc : la Fifa a évoqué un "jour sombre" pour le football. La Confédération africaine a de son côté annoncé jeudi qu'une minute de silence serait observée avant chaque match de la prochaine Coupe d'Afrique des Nations (CAN).