La révolution de jasmin fait des émules en Egypte. Après les Tunisiens, ce sont les Egyptiens qui se révoltent. Les manifestations se multiplient dans le pays, tournant de plus en plus à l'affrontement direct avec les forces de l'ordre. Objectif des protestataires : obtenir le départ d’Hosni Moubarak, au pouvoir depuis trente ans. Un mouvement qui s’inspire de la révolution en Tunisie qui a poussé le président Ben Ali à fuir en Arabie Saoudite, le 14 janvier dernier.
"Il y a effectivement des ingrédients communs", a assuré jeudi sur Europe 1 Pascal Boniface, directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), avant d'énumérer : "un pouvoir en place depuis longtemps, une situation économique qui est bonne, mais la perception n’est pas celle-là. Et puis des internautes, une jeunesse qui ne supporte plus l’immobilisme politique, les inégalités sociales". Cela dit, la situation n'est pas tout à fait semblable.
L’armée du côté de Moubarak
Le régime d’Hosni Moubarak, 82 ans, sera, en effet, plus difficile à ébranler. En effet, le raïs dispose de soutiens bien plus forts que ceux dont bénéficiait Ben Ali. "Le président égyptien dispose d’une armée qui lui est fidèle ainsi que d’un service de sécurité solide", explique Robert Solé, écrivain d’origine égyptienne, sur Europe 1. En témoigne la dure répression des dernières manifestations dans le pays, au cours desquelles au moins 1.000 personnes ont été arrêtées ces deux derniers jours. En l'espace de deux jours, six personnes ont été tuées, des manifestants et des policiers.
Il y a donc peu de chance que l’armée se retourne contre le raïs, estime Didier François, grand reporter à Europe 1. "L’armée a toujours été associée au pouvoir contrairement à la Tunisie et ne prendra pas le risque de lâcher Moubarak", analyse-t-il.
Des alternatives peu alléchantes
"Mais il s’agit d’un mouvement tout à fait inédit", précise, malgré tout, Robert Solé. "On n’a jamais vu des manifestants s’opposer frontalement au "pharaon" en place. On voit aujourd’hui une population accablée par la hausse des prix, par le chômage, par le régime d’urgence qui permet à la police d’arrêter n’importe qui à n’importe quel moment", poursuit-il.
Et la proximité de l'élection présidentielle n'arrange rien. "On a l’impression que l’élection présidentielle est d’ores et déjà jouée, puisque Moubarak devrait se représenter ou songer à une succession dynastique. C’est ce scénario qui est remis en cause", indique Pascal Boniface. "La pression populaire devrait ouvrir le jeu pour le scrutin prévu en septembre. Mais septembre, c’est un horizon lointain pour une jeunesse pressée."
Si le mouvement de révolte en Egypte se calque sur celui des Tunisiens, "il est encore trop tôt pour faire une véritable comparaison", estime Tewfik Aclimandos, spécialiste de l’histoire égyptienne. Selon le chercheur, "les classes moyennes et populaires sont excédées par le régime, mais pas emballées par les alternatives auxquelles elles font face".
Des intégristes très présents
Autre grande différence avec la Tunisie, la présence de partis islamistes forts. Alors que Ben Ali avait chassé du pays les islamistes, l’Egypte est, quant à elle, le berceau du mouvement des Frères musulmans. "Les Frères musulmans sont nés au Caire et sont capables de remporter des élections", estime Didier François.
Pour le moment, le pouvoir tente de contenir les protestations et semble peu enclin à lâcher du lest. "Mais il va devoir faire des concessions", analyse Tewfik Aclimandos. "Le problème est que s’il le fait maintenant, cela sera perçu comme un signe de faiblesse, ce qui est mauvais pour Moubarak".