L'INFO. Chaque jour, des milliers de Palestiniens se rendent en Israël pour travailler. Sauf que désormais, certains ne croiseront plus aucun Juif sur la route de leur travail. Car depuis lundi, plusieurs lignes de bus officielles, reliant la Cisjordanie et la bande de Gaza au centre de l'État hébreu, sépareront leurs passagers, raconte le quotidien Haaretz. Deux de ces bus ont été incendiés dans la nuit de lundi à mardi. Une enquête a été ouverte mais aucun suspect n'a été arrêté.
Un risque pour la sécurité des Israéliens. En novembre dernier, le quotidien israélien annonçait déjà que le ministre des Transports étudiait un projet similaire suite à la pression mise par certains dirigeants locaux. Des habitants, inquiets pour leur sécurité, se seraient plaints de la présence de Palestiniens dans les bus qu'ils empruntent. Une inquiétude accrue depuis l'attentat dans un bus de Tel-Aviv, en novembre dernier, en réponse à l'opération "Pilier de défense", menée par Tsahal dans la bande de Gaza.
Soulager la "détresse" des Palestiniens. Pour l'État hébreu pourtant, ces lignes spéciales pour Palestiniens ne constituent pas une discrimination. Il s'agirait, au contraire, de soulager "la détresse" des travailleurs palestiniens et de limiter les contrôles quotidiens aux points de contrôle. Ces lignes seront à des prix "particulièrement bas", précise le ministère des Transports et doivent permettre d'éviter aux travailleurs palestiniens de payer "des prix exorbitants" sur des lignes "illégales". Rejetant les accusations de ségrégation, le ministère a aussi précisé avoir donné des instructions pour que "les Palestiniens entrant en Israël puissent circuler à bord de tous les transports publics en Israël, y compris les lignes opérant en Judée-Samarie [Cisjordanie]".
Plusieurs incidents répertoriés. Normalement, tout Palestinien, titulaire d'un permis d'entrée au sein de l'État hébreu, est autorisé par la loi à utiliser les transports en commun. Mais plusieurs incidents ont été rapportés par les médias locaux. Certains Palestiniens auraient carrément été sortis de force des autobus. Sur le site de France 24, une ONG israélienne, qui œuvre à la protection du droit des travailleurs, a posté une vidéo dans laquelle un Palestinien se fait refouler alors qu'il souhaite rentrer chez lui en Cisjordanie. Il devra attendre l'arrivée de la police israélienne sur les lieux pour avoir le droit de monter à bord. Selon cette ONG, ce genre d'incidents se produit deux à trois fois par semaine.
Un autre rapport, cité par le quotidien Haaretz, raconte, sur la base d'un témoignage, un contrôle abusif des soldats. Un par un les Palestiniens ont été priés de descendre de l'autobus pour aller à pied jusqu'à l'échangeur suivant. "Vous n'êtes pas autorisé sur l'autoroute 5" et "vous n'avez pas le droit de prendre les transports publics" auraient certifié certains policiers. L'un des officiels aurait même déclaré à l'un des Palestiniens : "vous devriez prendre un transport spécial, pas un bus israélien".
"Une ségrégation écœurante". Des voix se sont élevées contre ce système, comme celle de Sarit Michaeli, une porte-parole de B'Tselem, une organisation israélienne de défense des droits de l'Homme, qui fustige "une ségrégation des bus écœurante". Côté palestinien, Assef Saïd, le vice-ministre du Travail, a dénoncé "une politique de ségrégation raciste qu'appliquent tous les gouvernements israéliens consécutifs". Quant au secrétaire général du Syndicat des travailleurs palestiniens, il a vu dans la mise en place de ces bus "une mesure raciste" et souligné que "les bus utilisés par les travailleurs sont souvent visés par les colons et les extrémistes israéliens".