Instable depuis que le conflit syrien a débordé à l'intérieur de ses frontières, il y a un an, le Liban menace à nouveau d'exploser. Les combats entre pro et anti Bachar al-Assad font rage à Tripoli, ville du nord-Liban située à une soixantaine de kilomètres de la frontière syrienne.
Les rebelles sont chez eux. Les impacts de balles dans les murs d'immeubles de la ville témoignent de combats assez récents. Dans une région sunnite donc très majoritairement opposée au dictateur syrien, les rebelles sont chez eux. En témoigne le drapeau de la rébellion exposé dans les rues à côté du drapeau islamique (photo ci-dessus), ou ces affiches montrant les photos de jeunes gens tués au combat en Syrie ou à Tripoli.
Crainte permanente d'attentat. Plus qu'ailleurs, à Tripoli, on craint les attentats à la voiture piégée. Deux explosions simultanées ont retenti devant deux mosquées bondées, il y a quinze jours. Virulent contre le régime syrien, le cheikh Salim al-Rafihi était particulièrement visé dans ce double attentat qui a fait 42 morts, soit l'attaque la plus importante depuis la fin de la guerre civile. Cet imam salafiste dérange le pouvoir en place en réclamant l'instauration d'un état islamique depuis sa villa sur les hauteurs de Tripoli, entourée de grands murs d'enceinte et surveillée par une quinzaine de caméras de vidéosurveillance qui fonctionnent 24/24.
La Syrie doit "choisir le dirigeant qu'elle souhaite". Après avoir montré patte blanche, Europe 1 a pu rencontrer le cheikh Salim al-Rafihi. "Aujourd'hui, le peuple syrien a le droit, il a la liberté de choisir le dirigeant qu'il souhaite. Si les Syriens veulent un état islamique, c'est leur droit ; il faut que la communauté internationale les aide à aller dans ce sens. Aujourd'hui, l'Occident s'oppose et a peur d'un état islamique en Syrie. On ne peut pas emmener le peuple syrien là où il n'a pas envie d'aller ; s'il demande l'islam comme régime, pourquoi la communauté internationale le refuserait ? Je pose la question", déclare-t-il au micro d'Europe 1.
La bataille est aussi financière. Ce personnage connu dans tout le monde arabe est soupçonné d'être l'un des principaux soutiens financiers de la rébellion syrienne. S'il affirme que les fonds qu'il distribue proviennent exclusivement de la quête qu'il fait tous les vendredis auprès des fidèles de sa mosquée, des indices laissent penser que des fortunes privées du Qatar, d'Arabie saoudite ou du Koweit, y contribuent largement. Ainsi, dans la photo ci-dessous, la plaque derrière les deux combattants indique que l'hôpital où ils ont été soignés a été payé grâce à l'aide koweïtienne.
"200 éclats d'obus dans mon corps". Dans les trois hôpitaux qu'Europe 1 a visité autour de Tripoli on soigne les combattants blessés sur le front syrien. Blessés au combat et directement amenés ici par des filières très bien organisées, les souvent jeunes combattants sont soignés en sécurité et repartent au combat. C'est le cas d'Hussein, combattant de 20 ans rencontré alors qu'il s'apprête à repartir lutter contre le régime de Bachard al-Assad. "J'ai peut-être 150 ou 200 éclats d'obus dans mon corps. Aux jambes, aux épaules... J'ai dû subir trois ou quatre opérations, je suis là depuis 6 mois, mais malgré cela, je vais rentrer en Syrie très facilement. Ici, il y a des combattants de mon unité, ils connaissent les routes pour m'emmener jusqu'à la frontière. Là, ils me donneront 200 dollars et, une fois de l'autre côté, je vais récupérer une arme et je monterai dans une autre voiture pour aller jusqu'au front", affirme-t-il, déterminé, à Europe 1.
Pas un groupe rebelle, mais des rebelles. Une myriade de brigades font cause commune pour tenter de déloger le dictateur Assad. Souvent, les groupes de rebelles plutôt modérés font alliance avec des groupes extrémistes liés à Al-Qaïda. C'est cette complexe coalition que les Occidentaux hésitent à armer massivement, mais qui peuvent, en attendant, trouver de l'approvisionnement à Tripoli.