Dès son élection, Barack Obama a été porté aux nues. Le 4 novembre 2008, l'Amérique se sent portée par un espoir de changement sur la scène internationale après les années Bush qui ont laissé des traces. Une "Obamania" qui culminera, moins d’un an plus tard, par l’octroi de la plus haute des distinctions : le prix Nobel de la paix décerné le 9 octobre 2009 au premier président noir de l’histoire des Etats-Unis. La raison invoquée par le Comité norvégien : ses "efforts extraordinaires en faveur du renforcement de la diplomatie et de la coopération internationales entre les peuples". Mais ses efforts se sont-ils traduits par des faits ?
Auréolé de sa récompense qu’il juge lui-même "imméritée", Obama est très vite rattrapé par ses dossiers épineux : les deux guerres dans lesquelles l’Amérique est engagée ainsi que la plus grande crise financière depuis la "Grande Dépression". Alors que vendredi sera dévoilé le nom du nouveau lauréat, Europe1.fr a interrogé Nicole Bacharan, spécialiste des Etats-Unis pour passer en revue le Nobel du président Obama.
• Ses réussites. "Toutes nos brigades de combat seront parties en seize mois", promettait le candidat Obama avant l’élection. Pari tenu : entre janvier 2009 et décembre 2011, le locataire de la Maison-Blanche a fait partir les 142.000 soldats américains d’Irak, la guerre héritée de l’ère Bush. Sur le sol afghan, Barack Obama envoie des signes contradictoires. Il commence son mandat par envoyer des soldats supplémentaires (33.000 hommes) mais avec comme objectif d’accentuer sa lutte contre la menace terroriste. Puis en 2012, déjà engagé dans la bataille pour sa réélection, il accélère le retrait des 68.000 soldats restants qui sera totalement accompli en 2014.
>>> L’avis de Nicole Bacharan :
Sur ce dernier point, "ce n’est pas un franc succès", concède Nicole Bacharan. "Les Américains ne laisseront pas une situation paisible", précise-t-elle. Mais "Obama a montré qu’il était à la recherche de la paix. Il n’a pas cédé à la tentation de projeter la puissance d’abord ", analyse-t-elle. Cela a été le cas, au débat de son mandat, lorsqu’il a tendu la main à l’Iran en train de développer l’arme nucléaire. Depuis, il a d’ailleurs fait preuve d’une volonté pacifiste de résoudre la crise tout en accentuant les sanctions financières.
• Ses échecs. " Nous devons soutenir les Israéliens et les Palestiniens qui cherchent une paix solide et durable", martelait le président Obama. A l’heure des comptes, le conflit israélo-palestinien est le point noir de sa présidence.
>>> L’avis de Nicole Bacharan :
"C’est un zéro pointé. Il a mal mesuré le rapport de force et n’a trouvé aucune partenaire" entre l’Autorité palestinienne, qui se rapprochait du mouvement islamiste Hamas et Benjamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, "avec qui il ne s’entend pas", avance Nicole Bacharan. Le statut quo est donc de mise : maintien de l’aide américaine (30 milliards sur dix ans) et aide au déploiement du bouclier anti-missile de l’Etat hébreu. "Son discours du Caire (le 4 juin 2009) ressemblait à une main tendue au monde musulman. Il voulait bâtir un pont entre deux mondes qui se comprennent mal. Mais il y a aujourd’hui une perte d’influence dans le monde arabe", reconnaît cette spécialiste des Etats-Unis.
Barack Obama avait également promis de fermer la prison de Guantanamo. Là encore, c’est un échec même si le nombre de détenus a été réduit. De 240 à sa prise de fonction, ils seraient aujourd’hui environ un peu plus de 160. La Maison-Blanche rejette la faute sur le Congrès qui a bloqué le transfèrement des suspects sur le territoire américain.
• Sa stratégie et sa personnalité. Si dans les faits Obama a fait preuve de bonne volonté pour parvenir à la paix, en privée, la relation s'est avérée parfois difficile. Le président américain noue très peu de contacts personnels avec les dirigeants de la planète. La preuve est en est : il n’a reçu personnellement aucun chef d’Etat lors de la dernière Assemblée générale de l’ONU. Même auprès de ses conseillers, il apparaît parfois distant ou dans ses pensées. Il aime écouter, prendre l’opinion de tout le monde avant de trancher. C’est le cas lors de l’intervention en Libye lorsqu’il sollicite l’avis des conseillers juniors, assis derrière les membres du cabinet, qui normalement s'expriment peu.
>>> L’avis de Nicole Bacharan :
Nul doute que la stratégie, sur la scène internationale, d’Obama a évolué durant son mandat. Il est "devenu moins idéaliste et davantage dans la tradition du président normal des Etats-Unis", analyse Nicole Bacharan. Le président américain est tout sauf un "idéologue". "C’est un pragmatique, quelqu’un qui n’a pas une vision unique du monde et qui est prêt à changer d’avis", ajoute-elle. Un "conséquentialiste", dira même Ryan Lizza, du New Yorker. Il juge du bien-fondé moral d’une action en fonction de ses conséquences.
"Même s’il n’a pas réussit quelque chose qui historiquement restera, ce prix Nobel n’est pas immérité. Obama a présidé à une grande phase de transition" des Etats-Unis sur le plan des relations internationales.