Volodymyr Zelensky n'a pas voulu masquer sa joie jeudi soir au moment de saluer une "victoire pour l'Ukraine" et même pour "toute l'Europe". Au premier jour d'un sommet regroupant les 27 États membres de l'Union européenne, Charles Michel, président du Conseil européen, annonçait l'ouverture de négociations d'adhésion avec Kiev, envoyant ainsi un signal politique fort à un pays toujours rongé par la guerre que lui impose la Russie. Mais si le message adressé à Volodymyr Zelensky est effectivement porteur d'espoir, la route devant conduire l'Ukraine vers l'Europe reste jonchée d'obstacles.
La relation Orbán/Poutine
Car une voix discordante s'élève au sein de la communauté européenne et compte bien se faire entendre. Celle de Viktor Orbán, le Premier ministre hongrois, opposé à l'intégration de l'Ukraine au sein de l'UE. Budapest avait même menacé de faire usage de son droit de véto pour couper court à toute négociation avant de finalement s'abstenir. Mais la position du dirigeant d'Europe centrale sur la question n'a pour autant pas évolué d'un iota. "Il ne faut pas surestimer la signification l'ouverture de ces négociations. Politiquement, cela ne coûte pas très cher à Viktor Orbán", décrypte Florent Marciacq, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Le dirigeant hongrois fait de ce dossier un levier pour accéder aux fonds européens dont son pays est privé, en raison des atteintes à l'État de droit que lui reproche Bruxelles. Et si la Commission européenne a, justement, annoncé le déblocage de 10 milliards d'euros, Budapest en réclame encore 18 de plus.
Des considérations économiques d'importance, mais qui ne sauraient expliquer, à elles-seules, la persistance du blocage hongrois. "Il y a aussi la relation de Viktor Orbán avec Vladimir Poutine. Il y a une affinité entre les deux qui amène le dirigeant hongrois à bloquer certains processus occidentaux qui se tourneraient trop vers l'Ukraine", explique Florent Marciacq. Viktor Orbán profite également d'un contexte plus favorable pour clamer haut et fort son objection. "Le vent commence à tourner. On le voit aux États-Unis, où les aides à l'Ukraine sont remises en question. Mais aussi en Europe avec l'extrême droite qui monte un peu partout. Tout cela donne à Orbán le sentiment qu'il a une légitimité pour se positionner comme cela", poursuit l'expert.
Des questions de politique intérieure
Les élections parlementaires, qui appelleront les Hongrois aux urnes en 2024, agissent aussi comme un catalyseur de la véhémence de Viktor Orbán contre l'Union européenne, assure le chercheur. "Chaque élection en Hongrie est l'occasion de faire porter le poids des difficultés économiques de la Hongrie sur le dos de l'Union européenne. Il s'agit de se servir de l'Europe comme d'un épouvantail". Une nécessité accrue par l'érosion d'une partie du soutien populaire dont bénéficie le dirigeant. "Il a besoin de vivifier, de polariser davantage les débats pour garder sa position", estime Florent Marciacq.
Viktor Orbán aura de nouveau la possibilité d'entraver le processus d'adhésion de l'Ukraine, dans un futur proche. Car l'ouverture concrète des négociations sur le plan technique n'est pas attendue avant mars prochain. Si un accord venait à émerger, il nécessiterait un nouveau vote à l'unanimité des États membres. Orbán pourrait alors activer son fameux droit de véto et faire ainsi barrage à l'intégration ukrainienne, tout comme il s'est opposé, dans la nuit de jeudi à vendredi, au déblocage d'un fonds de soutien de 50 milliards d'euros à destination de Kiev. "Nous sommes très loin d'un élargissement effectif à l'Ukraine", a d'ailleurs souligné Emmanuel Macron, appelant le dirigeant hongrois à ne pas prendre l'UE "en otage".