Des manifestants, menés par des officiers à la retraite, ont pris d'assaut le siège du ministère des Affaires étrangères, samedi à Beyrouth. L'initiative, organisée quatre jours après la double explosion meurtrière et destructrice sur le port de la capitale libanaise, a été diffusée en direct à la télévision, et est intervenue alors que l'attention des forces de sécurité se concentrait sur le rassemblement de milliers de protestataires dans le centre-ville.
"Quartier général de la Révolution"
À proximité de la place des Martyrs, épicentre traditionnel des manifestations dans la capitale, des heurts ont opposé les forces de sécurité, qui ont tiré des gaz lacrymogènes, à de jeunes protestataires ripostant avec des pierres.
Pour les Libanais déjà éprouvés par une crise économique inédite, l'explosion de mardi qui a fait plus de 150 morts et dévasté une partie de la ville a été la catastrophe de trop, relançant un mouvement de contestation qui avait débuté en octobre pour dénoncer l'ensemble de la classe dirigeante, jugée corrompue et incompétente, mais s'était essoufflé en raison de la pandémie de Covid-19.
Selon un tweet de la Croix-Rouge libanaise, plus de cent personnes ont été blessées lors de la manifestation, dont 32 ont été transportées dans des hôpitaux et 110 soignées sur place.
L'attention des forces de sécurité se concentrant sur les heurts, environ 200 manifestants menés par des officiers à la retraite en ont profité pour prendre d'assaut le siège du ministère des Affaires étrangères, le proclamant "quartier général de la Révolution", selon des images diffusées en direct par les chaînes de télévision.
"Vengeance !"
Hurlant dans un mégaphone, l'ex-général Sami Rammah a appelé au soulèvement et à la poursuite de "tous les corrompus" tandis que des manifestants décrochaient et piétinaient le portrait du président Michel Aoun.
Sur la place des Martyrs le mot d'ordre était "Le Jour du jugement". Des guillotines en bois ont été installées et des protestataires ont brandi des cordes. Le hashtag #Pendez-les circule depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux.
"Vengeance, vengeance, jusqu'à la chute du régime", ont scandé les manifestants, certains masqués, d'autres portant des drapeaux, alors que les forces de sécurité tentaient d'empêcher certains groupes d'avancer vers le Parlement, selon des correspondants de l'AFP.
Un immense drapeau a été déployé sur une façade et les manifestants, qui ont défilé au milieu des gravats, ont déroulé une banderole avec le nom des victimes de l'explosion.
"Après trois jours passés à déblayer les décombres et panser nos plaies, il est temps de laisser exploser notre colère (...) le changement doit être à la mesure de l'ampleur de la catastrophe", affirme Farès al-Hablabi, militant de 28 ans.
Le QG de l'Association des banques également visé
Le quartier général de l'Association des banques, dans le centre de Beyrouth, a également été pris d'assaut quelques heures plus tard. Les manifestant y ont mis le feu avant d'être délogés par l'armée, selon un photographe de l'AFP sur place. "À bas le règne des banques!", criaient les manifestants. Dans le même temps, d'autres protestataires investissaient le ministère du Commerce, dans le sillage d'une importante manifestation contre les autorités, auxquelles la population impute la responsabilité de l'explosion meurtrière qui a dévasté mardi une partie de la capitale libanaise.